Michael Jackson et l'Art

Exposition Michael Jackson On The Wall au Grand Palais de Paris, novembre 2018 – février 2019

Un peu moins d’une semaine après l’ouverture de Michael Jackson On The Wall au Grand Palais de Paris, j’ai enfin pu voir cette exposition dont tous les médias parlent et présentent comme « l’exposition de cette fin d’année ».

Initiée par Nicholas Cullinan, directeur de la National Portrait Gallery de Londres (et fan de Michael Jackson), c’est dans la capitale anglaise que débute l’exposition, le 28 juin 2018 (et jusqu’au 21 octobre), avant de passer par Paris (du 23 novembre 2018 au 14 février 2019), puis de s’exporter jusqu’à Bonn, en Allemagne (du 22 mars au 14 juillet 2019) et Espoo, en Finlande (entre août 2019 et janvier 2020).

Si l’impact de Michael Jackson dans les domaines de la musique, de la danse, du vidéo clip et même de la mode est désormais acquis et reconnu, son influence sur les artistes contemporains l’est un peu moins. Pourtant dès son avènement dans les années 80 avec Thriller, Michael Jackson commence à inspirer les artistes de tous horizons, tant du point de vue racial que politique. Michael Jackson On The Wall propose un panel de ces inspirations qui, si elles ne feront pas nécessairement l’unanimité, ont le mérite d’exister et de faire vivre la légende de l’artiste.

Michael Jackson était aussi un fervent admirateur d’art, sous toutes ses formes (des articles à ce sujet à redécouvrir ici et ici). Ses collections de tableaux et autres œuvres dans ses propriétés d’Encino et de Neverland laissent transparaître son goût pour la peinture classique principalement ou pour des illustrateurs comme Norman Rockwell. Michael Jackson On The Wall s’intéresse également à cet aspect du chanteur.

Première exposition consacrée au King Of Pop, Michael Jackson On The Wall a pour objectif d’assoir le statut iconique de l’artiste, en mettant en avant, dans un parcours de salles thématiques et chronologiques, les questions culturelles, sociales et politiques suscitées par Michael Jackson sur les artistes de son époque. Des artistes de renom :Andy Warhol, le précurseur dans ce domaine, Mark Ryden, David LaChapelle (et ses sosies!), Todd Gray, Kehinde Wiley, Keith Haring, … avec tout de même un grand absent, Jeff Koons, et d’autres, moins connus, en tout cas dont le nom ne m’était pas du tout familier avant cette expo.

Huit salles, quarante artistes, plus de 120 œuvres (tableaux, sculptures, dessins, photos, vidéos ou installations) pour évoquer l’une des personnalités les plus influentes du XXème siècle, cela semble beaucoup et pourtant si peu. Car n’oublions pas que cette influence va de paire avec une carrière de quarante ans et que dix ans après sa disparition, il reste incontournable, éternel …. et surtout très rentable !

Chaque salle met donc en évidence une facette de Michael Jackson. Sans vous dévoiler la totalité du contenu, voici – et ce n’est qu’un avis purement personnel- les + et les – de chaque salle, qui, pour certaines, n’évitent malheureusement pas les habituels clichés.

A l’entrée, le visiteur est accueilli par le majestueux portrait de Michael Jackson par Kehinde Wiley, commissionné par le chanteur lui-même peu avant sa disparition (son histoire à découvrir ici). Impressionnant!

1 – Un danseur de légende

Peu de personnes sont reconnaissables par leur seule silhouette, un geste ou un élément vestimentaire. Michael Jackson était de celles-ci.

+ Installation de Appau Junior Boakye-Yiadom : des ballons soulevant une paire de mocassins, qui évoque la pose emblématique, sur la pointe des pieds (The Freeze) de Michael Jackson. Iconique!

2- L’avènement du roi de la Pop

Cette salle retrace le passage de Michael Jackson du statut d’enfant star à celui de célébrité planétaire.

+ 2300 Jackson Street de Rodney McMillan : Un cliché de la maison de la famille Jackson à Gary (Indiana) est associé aux paroles de la chanson fredonnée par les sept nains de Blanche Neige, Heigh Ho et évoque le dur labeur fourni par Michael et ses frères pour accéder à la notoriété. Retour aux sources!

Thriller (Black and White) de Graham Dolphin : Sur le vinyle de l’album Thriller, Dolphin a écrit à la main les paroles des chansons. Un travail identique a été réalisé avec Off TheWall ou des couvertures de magazines, permettant d’inscrire l’ensemble des paroles des 616 chansons de Michael Jackson soit 90 000 mots. Impressionnant !

+ Le Andy Warhol Corner : des documents, des photos, des magazines d’époque sur la relation entre le King of Pop et le King of Pop Art. Deux superbes sérigraphies réalisées en 1984 rappellent le rôle clé joué par Warhol dans la façon dont les artistes se sont emparés de l’image de Michael Jackson. Historique!

Sometimes de Susan Smith-Pinelo : une vidéo où l’artiste danse au son de Working Day And Night (extrait de l’album Off The Wall, en 1979) pendant que la caméra filme le haut de sa poitrine. L’œuvre questionne ici la place de la femme dans la culture hip hop. Assez dérangeant même si cela prête à sourire! (vidéo)

3- Un citoyen du monde

La question du rôle qu’a joué Michael Jackson dans la construction d’une identité afro-américaine est abordée dans cette salle.

+ Who’s Bad de Faith Ringgold : Habillé du costume qu’il porte dans le short film Bad, Michael Jackson danse dans une allée new-yorkaise dans une toile aux bords en tissu où sont inscrits les noms de figures marquantes de la communauté noire et des droits civiques : Martin Luther King, Rosa Parks, Nelson Mandela, Malcom X. Urbain et illustre!

– Les œuvres de Todd Gray, qui cachent systématiquement le visage de Michael. Todd Gray a détourné ses propres clichés de la star avec qui il a travaillé entre la fin des années 70 et le début des années 80 afin d’appuyer l’idée qu’il se fait lui-même du chanteur à savoir qu’il aurait renié sa « race ». Dépitant!

4- Le masque

Dans cette salle qui se focalise sur les yeux de Michael Jackson et son habitude à masquer son visage, on sent aussi que l’exposition s’oriente (intentionnellement ou non ?) vers des faits de tabloïds.

Juste pour l’anecdote, j’ai entendu au moment où je me trouvais devant l’œuvre de Mark Ryden, une des guides qui disait « il avait pris l’habitude de cacher son visage et ses chirurgies esthétiques, sous des masques ou des tonnes de maquillage » ( !!!)

+ La pièce maîtresse de cette section (et de l’exposition) est bien sûr le tableau de Mark Ryden, The King of Pop, commandé par Michael Jackson pour devenir la pochette de l’album Dangerous. Orné d’un cadre somptueux, à l’image du Roi de la Pop, dans un style baroque, il permet de voir les détails de cette pochette qui a fait le tour du monde et qui distille des nombreuses références à l’Art. Magnifique!

Neverland de Jordan Wolfson : les yeux de Michael Jackson lors de son intervention télévisée en décembre 1993 de sa propriété de Neverland ont été isolés afin d’en faire une vidéo. Comme s’il était besoin de rappeler ces moments douloureux ………  Triste!

5- Icône et Idole

Cette section joue à la fois sur la représentation du sacré dans les deux termes et sur le sens figuré de l’idole, la personne adulée et de l’icône, l’archétype.

+ Bedside Table de Catherine Opie, une photo de la table de nuit de Liz Taylor avec des clichés de Michael Jackson, rappelant que les deux stars étaient des amis très proches. Touchant!

+ Michael Jackson par Mr Brainwash. Malheureusement pas du tout mise en valeur, cette œuvre qui a été dévoilée lors de la sortie de l’album Xscape en 2014, est dans un couloir noir que la plupart des visiteurs ne prennent pas et se dirigent directement dans la salle où est diffusée une vidéo de fans chantant l’album Thriller à capella. Dommage!

King, l’installation vidéo évoquée juste ci-dessus …. Oui elle montre les fans, mais à part ça, je ne comprends pas trop son intérêt. Déroutant!

6- Dédoublements

Plusieurs œuvres de cette salle offrent des portraits du chanteur dans lesquels son image apparaît dédoublée, divisée, déformée, multipliée …. Autant vous dire que je n’ai pas du tout accroché, voire même décroché !

+ Un portrait (dont j’ai oublié l’auteur) en noir et blanc issu d’une photo de Michael Jackson à l’époque du procès en 2005. Simple mais efficace!

– Un peu tout le reste !!! Je vous laisse découvrir, petit échantillon…

7- Citations

Les artistes réunis dans cette pièce mettent en avant l’ampleur de la circulation des images de Michael Jackson dans les médias en recourant à la citation et à la mise en abyme (procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire).

Je n’arrive pas à trouver de + ou de  -, j’avoue que cette salle m’a un peu laissée indifférente. Certaines œuvres d’Isa Genzken reprennent pourtant des clichés de Michael Jackson par Annie Leibovitz parus dans Vogue en 1989, que j’aime beaucoup, mais je n’ai pas réussi à apprécier l’utilisation qui en a été faite.

8- Hors du temps

Dernière salle de l’exposition qui met en avant le côté exubérant ou dramatique de certains portraits de la star.

+ La Diner Jacket de Michael Bush : seul costume présent dans cette exposition, la veste noire est recouverte de couverts argentés. Imaginée par Michael Jackson, celui-ci aimait la porter quand il recevait des invités à diner dans son ranch de Neverland. Historiquement MJ!

+ The First and The Last of the Modernists de Lorraine O’Grady : Quatre diptyques qui juxtaposent des portraits de Michael Jackson et Charles Baudelaire à différentes époques de leur vie. O’Grady, qui admet être « obsédée » par les deux personnages, affirme que tous deux étaient des créatifs incomparables qui ont fait face à des procès publics spectaculaires et ont finalement été « détruits par ce désir d’être Dieu et d’offrir leur Art au monde ». Original!

+ Portrait de Johannes Kahrs, Jesus aged 43, une œuvre à la fois terrible et touchante, basée sur l’un des derniers clichés de Michael Jackson, dans son ranch de Neverland en 2005, en plein tumulte. Si seulement certains visiteurs connaissait le contexte de cette photo, on éviterait d’entendre des réflexions (débiles) du genre « Il ne ressemblait plus à rien ! »

Michael Jackson On The Wall est une exposition à voir …. Mais j’ai envie de dire que c’est une exposition qui devrait être à revoir.

J’ai en effet été assez déstabilisée voire déçue à la fin de cette première visite. Je ne m’attarderai pas sur les conditions de visite – beaucoup de monde et des groupes en visite guidée, qui obstruent le passage, avec des guides qui commettent des erreurs, repris par les connaisseurs (!), ne se souviennent plus du nom de l’album pour lequel l’œuvre de Ryden a servi alors que c’est marqué dessus (!!!) ou racontent des inepties – mais c’est plus la thématique qui m’a perturbée. Les termes « monstres », « monstrueux » ont souvent été évoqués dans la présentation de l’exposition par la commissaire Vanessa Desclaux, et l’idée de transformation est assez présente au sein de l’exposition elle-même, ce qui m’a beaucoup gêné. Pourra-t-on envisager un jour de parler autrement de Michael Jackson ?

Une seconde visite permettra-t-elle de faire abstraction de cet aspect et de considérer d’un autre œil des tableaux qui n’ont pas attiré mon attention ? J’avoue avoir trouvé certaines œuvres très « moches », mais cela reste tout à fait subjectif.

Reste que si le lieu choisi pour exposer pour la première fois le King of Pop, le Grand Palais, est assez symbolique – quoi de mieux qu’un palais de l’Architecture pour un roi de (dans) l’Art – l’espace est étroit et ne permet pas d’apprécier certaines œuvres ou installations à leur juste valeur, qu’on les apprécie ou non.

L’avantage de cette exposition c’est que, enfin, dans les médias, on évoque Michael Jackson sous un autre aspect. L’homme qui s’est mis en scène toute sa vie dévoile quelques uns de ses mystères et le grand public découvre, grâce à des spécialistes de l’artiste comme Richard Lecocq ou Isabelle Petitjean, qui ont aidé à mettre en œuvre cette exposition, que Michael Jackson était loin d’être la bête de foire que l’on présentait. Du chemin reste à faire mais on est sur la bonne voie……..

Michael Jackson On The Wall
Du 23 novembre 2018 au 14 février 2019

Grand Palais, Paris 8ème
Entrée Galerie Sud Est, porte H

3 Comments

  • DOCANY

    Certaines oeuvres … comment dire … » »particulières » m’ont laissée perplexe et d’autres méritent quelques explications ,mais lorsqu’on aimait ,aime et aimera MJ comme moi on peut espérer que son esprit hante un peu les lieux.J’ai particulièrement apprécié l’installation des mocassins et ballons et celle des 3 micros (quel mike voudrais tu etre?)avec les explications des intentions des artistes tout prend sens.

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