Discographie

Michael Jackson: album Bad, le 31 août 1987

Le 31 août 1987, cinq ans après Thriller, l’album Bad de Michael Jackson arrive dans les bacs. Septième album en solo de l’artiste, il est produit par Quincy Jones qui avait déjà produit Off The Wall en 1979 et Thriller en 1982. Malgré les succès, ce sera la dernière collaboration entre les deux hommes.

« C’est difficile pour moi d’expliquer comment Quincy Jones et moi travaillons ensemble quand nous faisons un album », écrit Michael dans Moonwalk, en 1988. « Ce que je fais, c’est que j’écris la chanson et la musique, et Quincy arrive à sortir ce qu’il y a de mieux en moi. C’est la seule façon dont je peux l’expliquer. Quincy écoute et propose les changements. Il dit ‘Michael tu devrais changer ça’. Et j’écris autre chose. Il me guide et m’aide à créer et à inventer, à travailler sur de nouveaux sons, de nouvelles sortes de musiques.
Et nous nous battons aussi. Pendant les séances de Bad, nous nous sommes disputés à propos de certaines choses. Quand on se bagarre c’est toujours à propos des trucs d’avant-garde, de la technologie la plus récente. Je lui dis ‘Tu sais Quincy, ma musique change tout le temps.’ Je veux le dernier son de batterie que les autres sont en train de créer. Je veux aller encore plus loin qu’eux. Et puis nous y allons à fond, et nous faisons le meilleur disque que nous pouvons. (…)
Nous avons travaillé longtemps sur l’album Bad. Des années. Pourtant cela a valu la peine parce que nous étions satisfaits de notre travail, même si ça avait été difficile. Il y avait beaucoup de tensions parce que nous sentions que nous étions en compétition avec nous-mêmes et c’est très difficile de se dépasser soi-même, parce que c’est inévitable, les gens vont comparer Bad à Thriller. Vous avez beau dire ‘Oubliez Thriller’, personne ne peut le faire. J’ai pourtant un avantage dans ce combat, c’est que je fais toujours mieux encore, quand j’ai des contraintes. » (1)

Dix titres composent le vinyle, un titre supplémentaire est présent sur le CD. Neuf d’entre eux bénéficieront d’une sortie en single et cinq se classeront numéro un au Billboard Hot 100. Michael revient en force et, plus que jamais, les fans répondent présents.

Pour la première fois, Michael Jackson compose plus de 80 % de l’album. Seuls deux titres ne seront pas de sa plume : Man In The Mirror et Just Good Friends.

Michael et Quincy suivent cependant la même recette que pour Thriller. Ils jouent sur la qualité des titres. « Chaque titre doit pouvoir tenir le coup, comme s’il s’agissait d’une face A d’un 45 tours, et nous travaillons toujours dans ce sens », disait Michael pour Thriller. (1) Entre rock percutant, pseudo-romances, duos, funk, hymne humanitaire, il y en a pour tous les goûts.

De nombreux autres titres seront travaillés pour cet album dont l’enregistrement débute le 5 janvier 1987 aux Studios Westlake de Santa Monica Boulevard, à Los Angeles. On en aura un aperçu lors de la réédition de l’album en 2001, avec Streetwalker et Fly Away ….

… puis pour son vingt-cinquième anniversaire en 2012 où un CD contenant des démos est proposé avec l’album original. On y découvre ainsi les titres Don’t Be Messin’ Around, I’m So Blue, Song Groove (aka Abortion Papers), Free, Price of Fame, Al Capone (qui deviendra Smooth Criminal).

« Michael était entré à Westlake avec plus de soixante chansons qu’il avait écrites au cours des dix-huit mois précédents, mais ce qui l’intéressait avant tout, c’est que lui et son producteur Quincy Jones tombent d’accord sur chaque chanson et soient convaincus que chacune d’elles pouvait faire un hit (…) Michael refuse de faire du remplissage d’album », écrit Katherine, sa mère, en 1990 (2)

La pochette de l’album dévoile un Michael Jackson très « Bad » sous l’objectif de Sam Emerson. Un bad boy que ses fans découvrent, souvent étonnés, tant le Michael Jackson de Thriller est loin. La pochette que l’on connait n’est cependant pas celle que Michael souhaitait. Il avait le projet d’utiliser une photo d’une session avec Greg Gorman, inspirée d’un cliché de Gloria Swanson, actrice américaine du cinéma muet, où son visage est recouvert d’un voile en dentelle noire. Walter Yetnikoff, le président de son label CBS, s’y oppose et nous aurons la pochette que nous connaissons, plus en adéquation avec le titre de l’album, prise sur le tournage du short film Bad.

Si Bad se vend moins bien que Thriller, l’album fait tout de même un carton et tourne autour des 40 millions de copies vendues à travers le monde, ce qui en fait le deuxième album le plus vendu de la star.

1. Bad

Littéralement « Bad » signifie « mauvais », mais dans l’argot américain il peut aussi vouloir dire « cool ». Initialement prévu pour être un duo avec Prince, le rival de l’époque, la chanson se fera finalement sans le Kid de Minneapolis qui refuse de participer à un morceau dont les paroles commencent par « Your Butt is Mine ». Un des titres forts de l’album qui lui a donné son nom, c’est aussi le deuxième single à paraître, fin août 1987, accompagné d’un short-film de dix-huit minutes, réalisé par Martin Scorcese.

« Bad est une chanson sur ce qui se passe dans la rue. C’est l’histoire d’un môme d’une banlieue très dure, qui est envoyé à l’école dans une institution privée. Il revient dans son quartier pendant les vacances et les gamins du coin commencent à le chercher, histoire de démarrer une bagarre. Il chante ‘Je suis mauvais, vous êtes mauvais, qui est mauvais ? Qui vaut mieux que les autres ?’ Ca veut dire que quand on est fort et bon on devient le méchant des autres. » (1)

Le scénario de la vidéo, écrit par Richard Price, est inspiré de l’histoire vraie d’Edmund Perry, élève afro-américain brillant de 17 ans, tué par un policier blanc à Harlem, son quartier d’origine qu’il avait retrouvé pour les vacances, le 12 juin 1985.

C’est précisément à Harlem (New York) que Michael se rend en novembre 1986 pour tourner une partie de son mini-film (voir ici pour les lieux de tournages et les références du clip), l’autre partie se fera dans une station de métro de Brooklyn.

C’est la première fois qu’il tourne une vidéo alors qu’il travaille encore sur un album. Selon l’ingénieur du son Craig Johnson, le morceau Bad lui-même n’était même pas terminé lorsque le tournage a commencé : « Bruce Swedien et moi nous sommes rendus à New York pour travailler sur les modifications de la bande son du film dans le studio Hit Factory de Manhattan, et nous les envoyions à Michael sur ses lieux de répétitions. On peut dire que les modifications que nous avons faites ont contribué à la version finale de la chanson », explique Johnson (3)

L’acteur Wesley Snipes fait ses débuts d’acteur dans ce court-métrage. Il joue le rôle d’un des amis de Daryll, interprété par Michael Jackson. Récemment au cours d’une interview à la radio new-yorkaise WBLS, Snipes a partagé ses souvenirs de ce moment auprès de Michael : « Il était prévu une semaine de travail. En fait, je suis resté sur le tournage un mois et demi. Michael a créé ce court-métrage et oui un mois et demi plus tard j’étais encore sur le tournage, en train d’apprendre du maître. J’ai eu la chance de le voir répéter une des grandes scènes qui se déroule dans le métro et je peux vous dire que sa répétition était comme le résultat final, au même niveau. » (4)

Jaime Perry et Gregory Holtz endossent également le rôle des amis de Daryll qui attendent son retour, un trio qui le provoquera et amènera la séquence de danse désormais célèbre dans le métro. « Are You Bad ? »

Le documentaire de Spike Lee en 2012 dévoile les dessous de la vidéo. Des images alors inédites montrent le travail de Michael, Quincy Jones et Martin Scorcese. Vingt-cinq ans après la sortie de Bad, on découvrait encore des pépites !

2. The Way You Make Me Feel

« The Way You Make Me Feel et Smooth Criminal sont de simples grooves qui reflètent l’état d’esprit dans lequel je me trouvais à ce moment là », écrit Michael en 1988. (1)

La deuxième piste de l’album, et troisième extrait, sort en single le 9 novembre 1987. Michael Jackson écrit ce titre, à l’origine appelé Hot Fever, à la fois pop et rythm’n blues à la demande de sa mère, qui aime le « shuffle rhythm » de ce genre de musique. Comme pour Bad (et I Just Can’t Stop Loving You, le premier extrait de l’album), le titre atteint la première place du Billboard Hot 100.

Le short film, réalisé par Joe Pytka et tourné en juin 1987 en studio, alors que le chanteur est encore en session d’enregistrement, met en scène un Michael Jackson cherchant désespérément à attirer l’attention d’une jeune femme, dans des rues mal famées. Encouragé par les conseils d’un vieil homme, joué par l’acteur Joe Seneca, Michael finira par conquérir la jolie demoiselle interprétée par Tatiana Thumbtzen, sculpturale mannequin à qui la rumeur prêtera une relation avec la star. La Toya Jackson, la sœur de Michael, fait également partie du casting.

Le short film officiel d’une durée de neuf minutes commence sur une musique de Roy Ayers, Hot, sortie en 1985.

Lors de sa venue à Lyon en novembre 2016 pour une conférence, Vincent Paterson, le chorégraphe de Michael Jackson qui a travaillé sur le short film avec lui a évoqué ses souvenirs concernant le tournage de la vidéo.

A l’origine, aucune chorégraphie n’était prévue pour le short film. Michael a cependant demandé à Vincent Paterson de le rejoindre aux studios Debbie Reynolds à Los Angeles pour lui faire écouter un de ses titres, extrêmement fort, comme il aimait le faire, et lui a demandé ce qu’il en pensait. Vincent lui a proposé de s’occuper de la séquence de danse. Michael voit Vincent effectuer le pas où il est au sol et même s’il dit en plaisantant au chorégraphe « You’re nasty Vincent », il aime beaucoup ce geste et décide de l’intégrer à la chorégraphie.

Michael est arrivé un jour en studio avec une chemise bleue. Vincent a trouvé que cela lui allait très bien, qu’il était très beau et lui a dit que ce serait la tenue idéale pour le clip. Michael a d’abord refusé car il était dans sa période Bad, avec les ceintures et les boucles et selon lui, c’est ce que les fans attendaient de lui comme tenue. Vincent a cependant insisté et Michael a finalement porté cette chemise pour le short film. La cravate qui sert de ceinture à la star dans le clip est un hommage à Fred Astaire, son idole, qui faisait la même chose.

Vincent évoque deux moments du short film qui l’ont marqué : lorsque Michael se met à chanter « You knock me off of my feet now baby », qui marque le départ de la chanson, toute l’équipe de tournage s’est arrêtée, sidérée par la puissance de la voix de Michael. Ce dernier s’en en aperçut et a demandé: « J’ai fait quelque chose qu’il ne fallait pas ? ! » Le deuxième moment est celui où Michael saute puis ressort d’une voiture, à la poursuite de Tatiana. Une séquence, proposée par le chorégraphe, que Michael a adoré car il s’agissait pour lui d’une attitude où, tel un enfant, il pouvait se laisser aller.

Il y a quelques mois, une version inédite de plus de quatorze minutes, avec une introduction beaucoup plus longue, a fait son apparition sur internet. A visionner ici.

3. Speed Demon

Speed Demon sera l’un des deux titres à ne pas bénéficier d’une sortie en single, le projet ayant été abandonné. Des 45 tours promotionnels existent cependant, sortis en octobre 1989, destiné à la fois à la promotion de l’album et du film Moonwalker, dans lequel le titre apparait.

Michael décrit ce titre comme « une chanson à danser. » (1) Il l’aurait écrit après avoir reçu une amende pour excès de vitesse en allant au studio d’enregistrement.

La vidéo, extraite de Moonwalker, sorti en décembre 1988, est réalisée par Will Vinton. Elle montre Michael Jackson tentant d’échapper aux fans qui le poursuivent à la recherche d’un autographe, une métaphore de ce qu’il vit au quotidien avec les paparazzi. Dans sa course, Michael se transforme en lapin, en claymation, pour échapper à ses poursuivants. La vidéo se termine avec une séquence de danse entre Michael, redevenu lui-même, et Spike, le lapin claymation, revenu à la vie, ce qui leur vaudra … une amende! La claymation, cette pâte à modeler animée, est largement présente tout au long du short film, mettant en scène des personnages plus ou moins célèbres (Sylvester Stallone, Tina Turner ou Pee-Wee Herman) que trouve Michael sur sa route.

4. Liberian Girl

Le 3 juillet 1989 sort le neuvième et dernier single extrait de l’album (uniquement en Europe, au Japon et en Australie). Liberian Girl est un titre écrit en 1983, sous le nom de Pyramid Girl, et prévu pour l’album Victory des Jackson. Michael le garde et le retravaille finalement pour Bad. « Je l’ai écrite chez moi, dans la salle de jeux. Je crois que j’étais en train de jouer au flipper et la chanson m’est venue en tête. J’ai couru à l’étage, je l’ai enregistrée sur une cassette et c’est devenu Liberian Girl », explique Michael lors d’une interview à Ebony/Jet en septembre 1987. (3) Quincy Jones décrit la ballade comme un « rêve étonnant. » (3)

Pseudo-romance très sensuelle, la ballade vient donner une touche de douceur à ce moment de l’album et son introduction, chantée en swahili par la chanteuse sud-africaine Letta M’bulu, nous transporte dans une ambiance africaine, un continent cher au chanteur.

Le short film n’a cependant rien de cette ambiance. Dédié à Elizabeth Taylor, réalisé par Jim Yukich, il réunit une pléiade de stars hollywoodienne sur un plateau de tournage. Steven Spielberg, Whoopi Goldberg, Quincy Jones, Olivia Newton Jones et John Travolta, Brigitte Nielsen, Paula Abdul, Dany Glover, le singe Bubbles, parmi tant d’autres, attendent impatiemment et cherchent désespérément Michael qui finira par se montrer, derrière une caméra, ravi de son petit jeu, à la fin de la vidéo.

Une seule prise sera nécessaire pour filmer la partie où Michael apparaît. La promotion de l’album touchait à sa fin, la star venait de terminer une tournée mondiale énorme et ne désirait pas s’investir dans un dernier short film.

5. Just Good Friends

Ce duo avec Stevie Wonder est l’autre titre qui ne sort pas en single et l’un des deux morceaux que Michael n’écrit pas sur l’album. Il est des deux auteurs britanniques de la chanson de Tina Turner, What’s Love Got To Do With It, Terry Britten and Graham Lyle. « Nous avions besoin d’un duo, Stevie Wonder et moi, et ils avaient cette chanson. Je ne suis même pas sûr qu’ils avaient prévu d’en faire un duo », se souvient Michael. (1) Stevie Wonder assure aussi le solo de synthétiseur que l’on entend au milieu du titre. 

L’avis sur le morceau est très partagé, certains le considérant comme sous estimé et qu’il aurait très bien pu marcher en single, d’autres, comme Rolling Stone Magazine, le désignant comme le seul point faible de l’album. Quincy Jones lui-même reconnaît avec le recul des années, que la chanson était faible : « On n’aurait jamais eu la chanson parfaite, je savais que nous n’avions pas la chanson adéquate. » (5)

Reste que Stevie Wonder et Michael, qui se connaissaient depuis de nombreuses années et ont collaboré ensemble sur plusieurs titres, n’ont fait que deux duos ensemble, qu’ils enregistrent au cours de cette année 1987 (le deuxième, Get It, se trouve sur l’album Characters de Stevie Wonder) et qu’on ne peut bouder de tels titres !

En 2012, le documentaire Bad25 de Spike Lee dévoile des images inédites de l’enregistrement de Just Good Friends.

6. Another Part Of Me

« Another Part of Me a été une des premières chansons écrites pour Bad, et elle a été lancée à la fin de Captain Eo, quand le capitaine dit adieu », indique Michael (1), et elle sera pourtant la dernière sélectionnée pour Bad.

Le sixième extrait de l’album, qui sort en juillet 1988, a effectivement failli ne pas faire partie de la tracklist de l’opus. Michael et Quincy avaient des difficultés à choisir entre Streetwalker et Another Part of Me. Il ne restait de la place que pour une chanson. Michael voulait Streetwalker, Quincy, Another Part of Me. C’est finalement Frank DiLeo, le manager de Michael à l’époque, qui les aidera à prendre la décision, comme l’explique Quincy dans les bonus de l’album Bad en 2001 : « Dileo m’a aidé à obtenir Another Part of Me, parce qu’il a commencé à bouger ses fesses quand il l’a entendue. »

Le morceau, qui évoque la fraternité et l’amour entre les peuples (le message que souhaitait faire passer Captain Eo), ne fait pas aussi bien que les précédents singles dans les charts et ne se classera que 11ème aux Etats-Unis.

La vidéo qui l’accompagne est un clip live, le seul de la carrière de Michael, enregistré durant des concerts du Bad Tour, notamment ceux de Paris et de Wembley, en Angleterre.

7. Man In The Mirror

« If You Wanna Make The World A Better Place, Take A Look At Yourself, Then Make A Change ». Man In The Mirror, dans la lignée de We Are The World, est un morceau fort de l’album de par le message qu’il lance. 

Le titre, enregistré au printemps 1987 et devenu presque un hymne dans la carrière de l’artiste, est le quatrième single de l’album, le quatrième à se classer numéro 1 des charts également, lorsqu’il sort en janvier 1988.

Quincy Jones sentait qu’il manquait une chanson forte sur l’album, « une chanson avec un bon sentiment et qui apporterait du soleil sur le monde » (3), et il demande à Siedah Garrett et Glen Ballart de composer un morceau dans ce sens. Deux ans plus tôt, Siedah Garrett avait noté dans un de ses petits carnets, une expression qui l’avait interpellée, « Man In The Mirror ». Elle tombe dessus suite à la demande de Quincy et commence à écrire les paroles. Lorsqu’elle propose la démo à Quincy, il la fait écouter à Michael qui l’adore et décide de l’enregistrer.

« Man In The Mirror est un grand message. J’aime beaucoup cette chanson. Si John Lennon était vivant, il s’identifierait surement à cette chanson parce qu’elle raconte une chose essentielle, quand on veut changer le monde, il faut d’abord se changer soi-même et faire des efforts pour y arriver. C’est exactement ce que disait Kennedy : ‘Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous ; demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.’ Si vous voulez que le monde devienne meilleur, regardez-vous dans le miroir, et changez-VOUS. Commencez par changer cette personne-là, et ne regardez pas tout ce qui ne va pas à côté de vous. Commencez par VOUS. C’est la vérité. C’est ce qu’ont répété Martin Luther King et Gandhi. C’est ce que moi je crois. » (1), explique Michael.

Michael et Quincy Jones font appel à Andrae Crouch et sa chorale pour donner une touche de gospel qui rend le morceau encore plus fort. Celle qui deviendra la co-interprète de I Just Can’t Stop Loving You, assure les chœurs.

Le verso de la pochette du 45 tours contient une dédicace à Yoshiaki Hagowara, un jeune japonais de cinq ans, kidnappé puis tué en septembre 1987, alors que Michael était en tournée au Japon avec son Bad Tour: « Dédié à Yoshiaki Hagowara. Puisse une telle chose ne jamais se reproduire. Je t’aimerai toujours, Michael Jackson ». Il lui dédiera également ses concerts d’Osaka et de Yokohama.

Une partie des recettes des ventes du single iront à une association caritative en faveur des enfants atteints de cancer, le Camp Ronald McDonald for Good Times.

Le clip de la chanson est réalisé par Don Wilson. Michael et Wilson se mettent d’accord sur ce que le chanteur désire et Michael laisse carte blanche au réalisateur. La star ne souhaite pas apparaître dans le short film qui ne sera composé que d’images d’archive d’évènements qui ont marqué le monde, de personnalités qui ont laissé leur nom dans l’Histoire. Le résultat est une vidéo qui, encore aujourd’hui, marque les esprits et garde toute sa signification. Make That Change !

8. I Just Can’t Stop Lovin’ You

L’autre duo de l’album, et le premier single, sorti le 27 juillet 1987. Comme pour The Girl Is Mine, le duo avec Paul McCartney qui annonçait (timidement) Thriller un mois avant sa sortie, Michael Jackson renouvelle le concept. Ecrit par Michael Jackson, I Just Can’t Stop Loving You est un duo avec Siedah Garrett, une jeune chanteuse qui avait eu la lourde tâche d’écrire Man In The Mirror. Barbra Streisand et Whitney Houston avaient un temps été pressenties pour ce duo mais sans que cela ne se concrétise.

Siedah Garrett n’a appris que le matin même de l’enregistrement qu’elle allait accompagner Michael sur ce titre. « Quincy m’a appelée après que l’on ait fait les chœurs sur Man In The Mirror et m’a demandée de repasser au studio pour un autre titre. Mais la chanson sur laquelle Michael et lui travaillaient n’était pas Man In The Mirror. C’était un morceau dont Quincy m’avait demandée d’écouter la cassette et d’apprendre les paroles. Mais je ne pensais absolument pas à un duo. A l’époque j’enregistrais beaucoup de titres pour Quincy, cela n’avait rien d’inhabituel. » (3) Siedah réalise son opportunité en voyant inscrit son nom sur le micro, face à celui de Michael, et les feuilles avec les paroles.

L’intro parlée de trente-six secondes dite par Michael au début de la chanson a été enregistrée sur un vrai lit, apporté au studio. Michael murmure les paroles près de la tête d’un mannequin où avait été incrusté un micro.

Au moment de sa sortie, la fan que je suis (et probablement beaucoup d’autres) a craqué en entendant cette voix. Cela faisait cinq ans que l’on attendait un nouveau titre de Michael et il revenait enfin avec ces paroles dont on aurait pu croire qu’elle s’adressait à chacune de nous !

I just want to lay next to you for awhile
You look so beautiful tonight
Your eyes are so lovely
Your mouth is so sweet
A lot of people misunderstand me
That’s because they don’t know me at all
I just want to touch you
And hold you
I need you
God I need you
I love you so much 

« Plusieurs personnes m’ont demandé si je pensais à quelqu’un en écrivant Can’t Stop Loving You. Et j’ai répondu non, pas vraiment. Je pensais à quelqu’un quand je l’ai chantée, mais pas pendant que je l’ai écrite », se souvient Michael. (1)

L’introduction a par la suite été retirée car, selon Brad Sundberg, elle ne plaisait pas aux américains !!!

Siedah Garrett a expliqué au cours de plusieurs interviewes qu’enregistrer avec Michael n’était pas toujours évident car il était très farceur. « Je chantais ma partie les yeux fermés et Michael a commencé à m’envoyer … je crois que c’était du popcorn. Quincy m’a vue bouger la tête et m’a dit ‘Sid, on est en studio, tu nous fait perdre du temps’ et Michael était plié de rire. » (5)

Siedah n’apparait pas sur la pochette du 45 tours, son nom et sa photo ne se trouvent que sur le verso. Comme pour The Girl Is Mine, aucun short film n’est tourné pour accompagner le single, qui devient pourtant numéro 1. Présenté comme un teaser de l’album à venir, I Just Can’t Stop Loving est un peu le calme avant la tempête Bad.

Une version française et espagnole de la chanson ont également été enregistrées. Je Ne Veux Pas La Fin De Nous (écrite par la belge Christine Decroix) et Todo Mi Amor Eres Tu (écrite par le Panaméen Ruben Blades et déjà présente dans la réédition de Bad en 2001) paraissent sur l’album Bad25 en 2012.

Le documentaire de Spike Lee, cette même année, nous livrera des images inédites de l’enregistrement de la version espagnole.

9. Dirty Diana

Morceau rock de l’album, comme l’avait été Beat It pour Thriller, Dirty Diana évoque le thème de la femme fatale et dangereuse que l’on retrouve dans plusieurs chansons de Michael (Billie Jean, Dangerous, Blood On The DanceFloor). Le morceau, un des titres préférés de Michael selon ses dires, sort comme cinquième single de l’album en avril 1988 et deviendra également numéro un des charts.

Steve Stevens, l’ex- guitariste de Billy Idol, est contacté pour assurer le solo de guitare. Le musicien exige la présence de Michael durant l’enregistrement.

Stevens est également présent dans le clip de la chanson, un moment qui donnera lieu à une photo que la guitariste découvrira, surpris, au recto de la pochette du 45 tours.

Les fans se sont souvent demandés de qui parlait Michael lorsqu’il évoquait cette « sale Diana ». S’agissait-il de Diana Ross, la seule Diana que l’on connaissait dans sa vie à cette époque ? Par la suite, elle a également été associée à Lady Diana, que Michael a rencontrée lors d’un de ses concerts à Wembley en juillet 1988. La réponse viendra du chanteur lui-même, lors d’une interview accordée à Barbara Walters en septembre 1997 : « J’ai écrit une chanson qui s’appelle Dirty Diana. Ça ne parle pas de Lady Diana, ça concerne un certain type de filles qui sont toujours là durant les concerts et dans les clubs. On les appelle des groupies. J’ai connu ça toute ma vie. Ces filles, elles font des tas de choses avec le groupe et … vous savez tout ce que vous pouvez imaginer. »

Les groupies, c’est exactement le thème qui sera donné au short film, réalisé par Joe Pitka. Michael interprète le morceau sur scène pendant que la silhouette de cette terrible Diana se dessine dans la nuit et s’installe à l’arrière de la limousine que le chanteur regagne à la fin de sa performance.

En 2015, une version alternative de la vidéo, réalisée par Larry Bridges, est diffusée sur le net où les jambes de « Diana », interprétée par le mannequin Lisa Dean (décédée en décembre 2009), sont encore plus mises en valeur.

10. Smooth Criminal

Plus d’un an après la sortie de Bad, Smooth Criminal, un des titres maîtres de l’album sort en single dans les bacs, accompagné d’un short film souvent cité parmi les préférés chez les fans.

Chicago 45 et Al Capone (ce dernier morceau présent sur l’album Bad 25) seraient les premières versions, écrites dès 1985, de Smooth Criminal, avant qu’elles ne soient retravaillées.

Septième single extrait à la fin de l’automne 1988 (peu avant la sortie cinéma du film Moonwalker), le morceau évoque l’histoire d’une certaine Annie qui se serait fait attaquer par un « meurtrier charmant » et qui git sur le sol de chez elle. Selon Jermaine Jackson, le frère de Michael, l’histoire de la chanson serait inspirée « par un tueur en série qui avait semé la terreur dans tout Los Angeles et à San Francisco entre 1984 et 1985, Richard Ramirez, qui se revendiquait comme adepte du satanisme. Il avait fait quatorze victimes au total. Il agissait la nuit et, dans la plupart des cas, il entrait chez les gens de force, avant de les assassiner au couteau (d’où l’image d’une lame de couteau étincelante dans le clip). » (6)

Les paroles Annie Are You Ok?, que l’on entend tout au long du morceau est une expression tirée des premiers secours américains. Michael avait eu des cours de premiers secours et les mannequins utilisés pour l’entraînement à la réanimation (CPR aux Etats-Unis) s’appellent Anne (Little Anne) et, lors des exercices, pour demander si tout va bien, on dit « Are You Ok ? ».

Les battements de cœur au début de la chanson sont ceux de Michael. La voix qui crie « Everybody please leave the area right now » est celle de Bruce Swedien, l’ingénieur du son de Michael.

Alors que les sessions d’enregistrement de Smooth Criminal ne sont pas encore terminées, au début du mois de février 1987, Michael commence le tournage du short film aux Culver Studios de Culver City (Los Angeles). Quincy Jones a même admis, qu’à ce moment là, il ne souhaitait pas inclure le titre dans l’album. « Je vais être honnête, je n’ai jamais été un grand fan de cette chanson », dit-il. « Mais Michael a tenu ferme et a insisté pour qu’elle fasse partie de la tracklist. Michael l’adorait. » (5) « La chanson était loin d’être finalisée. Je me souviens que des coursiers venaient au studio toutes les deux heures pour obtenir le mixage le plus récent de ce que je faisais sur le Synclavier afin qu’ils puissent l’utiliser pour la chorégraphie de la danse sur le plateau de tournage », explique Christopher Currell, un des techniciens/musiciens de l’album. (7)

Michael raconte dans les Private Home Movies, diffusés en 2003, qu’il avait prévu au départ de tourner une vidéo façon western pour Smooth Criminal. Filmé par un caméraman, il cherchait des idées au milieu de son ranch de Neverland (à voir ici). Il change finalement d’avis et s’oriente, avec Vincent Paterson, son chorégraphe, vers une ambiance gangster, pour ce qui deviendra la séquence principale de Chicago Nights, dans le film Moonwalker.

S’il est désormais connu que le short film Smooth Criminal, réalisé par Colin Chilvers, rend hommage à son idole Fred Astaire dans la séquence The Girl Hunt Ballet du film Band Wagon (Tous en scène), un film musical de 1953, il est également inspiré, pour ce qui est des scènes de poursuites dans les rues sombres (avant l’entrée de Michael dans le Club 30), du film noir britannique The Third Man (Le troisième homme), sorti en 1949, et Palme d’Or du Festival de Cannes la même année.

La vidéo est également mémorable de par le pas de danse, le lean, que Michael innove au cours d’une séquence où il se penche, grâce à des câbles, à 45 degrés. Pour pouvoir reproduire ce pas sur scène (le titre sera présent à chacune de ses tournées), le chanteur fait breveter des chaussures spéciales.

« Quand Michael danse seul dans le clip, c’est une chorégraphie qu’il avait créée seul. Les scènes où il danse avec la troupe ont été créées par moi. C’est de cette façon que nous travaillions. Et nous passions beaucoup de temps à échanger nos idées. (…) [Michael] voulait que le monde découvre quelque chose de jamais vu et dont il était fier », explique Vincent Paterson. (8)

Jeffrey Daniels, danseur, chorégraphe et ancien membre du groupe Shalamar apporte aussi sa contribution à la chorégraphie de Smooth Criminal, comme il l’avait fait pour Bad, quelques mois plus tôt. Lorsque Michael monte les escaliers dans la vidéo, après la scène du billard, le chapeau baissé sur le visage, il explique: « j’ai vu ça dans un dessin animé de Bugs Bunny, le danseur avait un chapeau de gangster et avançait en sautillant. » (5)

« Au total, Smooth Criminal a nécessité six semaines de travail et de tournage. C’est très rare de passer autant de temps sur un projet de ce type. C’est comme si nous tournions un long métrage entier », précise Vincent Paterson. (8)

11. Leave Me Alone

Le titre n’est présent que sur la version CD de l’album et c’est donc une aubaine pour les fans lorsqu’il sort en tant que huitième single le 13 février 1989. Cependant, seuls les fans européens et australiens auront la chance de pouvoir le posséder.

« Leave Me Alone se trouve uniquement sur le disque compact de Bad. J’ai beaucoup travaillé sur cette chanson, et j’ai doublé à l’infini mes chorus de voix, comme des couches de nuages les unes par-dessus les autres. C’est un message très simple : ‘Fiche-moi la paix. Laisse-moi tranquille.’ Ca se passe entre un garçon et une fille, mais ça s’adresse surtout à ceux qui s’ennuient ou qui cherchent à me persécuter », confie Michael (1)

Suite au succès de Thriller, Michael paye le prix de sa célébrité. Les médias se déchaînent sur lui, sa façon de vivre, ses excentricités (qu’il entretient aussi) et les rumeurs vont bon train (le rachat du squelette d’Elephant Man, Michael dormant dans un caisson à oxygène pour pouvoir vivre jusqu’à 150 ans, son chimpanzé Bubbles, …) au point que certains tabloïds le surnomment Wacko Jacko.

Au travers de cette chanson et surtout du short film qu’il tourne sous la direction de Jim Blashfield, Michael se moque de tous ces tabloïds et se parodie lui-même. Il se balade avec son avion coloré, qui ressemble à celui d’un manège, dans un monde irréel digne d’un parc d’attractions (où il va de rumeur en rumeur) mais qui n’est en fait qu’un Michael Jackson-Gulliver, ce dernier finissant par se libérer de toutes les rumeurs en brisant ses chaînes.

« Le Charlie Chaplin avec les chaines et le boulet était une idée de Michael. Nous avions une séquence où il devait danser avec le squelette d’Elephant Man et le jour du tournage Michael est arrivé avec ça », explique le réalisateur, Jim Blashfield (5)

Il aura fallu vingt-cinq personnes et six mois de travail pour réaliser ce short-film que l’on retrouve dans le film Moonwalker. Comme le titre ne sort pas en single au Etats-Unis, ni même le film Moonwalker, MTV diffuse la vidéo en avant-première le 2 janvier 1989.

La vidéo sera récompensée concernant ses effets spéciaux et obtient également le Grammy Awards de la meilleure vidéo musicale en 1990.

Le 9 juillet 1987, Michael Jackson termine l’enregistrement de l’album Bad, quelques jours après la date du 30 juin imposée par son label. « Sans cette date limite, je suis sûr que nous aurions pu enregistrer encore pendant un an », dira Quincy Jones .

Le 13 juillet 1987, le chanteur organise un dîner chez lui à Hayvenhurst pour présenter aux dirigeants d’Epic son nouvel album Bad, qui a failli ne pas s’appeler ainsi. Michael souhaite, dans un premier temps, lui donner le nom de Smooth Criminal, mais Larry Stessel, le dirigeant du marketing d’Epic n’y est pas favorable. Michael voulant un titre court, comme pour Thriller, ils se mettent d’accord sur le nom Bad.

Après cinq ans d’attente, les fans découvrent Bad à la fin de l’été. La diffusion du premier single, le duo avec Siedah Garrett un mois plus tôt n’est qu’une mise en bouche de la déferlante qui attend les fans. Bad ne fait certes pas aussi bien que Thriller, mais la tournée mondiale qui démarre le 12 septembre 1987 au Japon, la première en solo de Michael, et qui le mènera pendant 16 mois à travers le monde fera de lui le plus grand entertainer de tous les temps. Un titre qu’il ne lâchera jamais.

Michael is Bad Forever……

Sources : (1) Moonwalk, Michael Jackson/ (2) Jackson & Jackson, histoire d’un rêve, Katherine Jackson/(3) Making Michael, Inside The Career of Michael Jackson, Mike Smallcombe/ (4) mjlegend.com / (5) Documentaire Bad 25 de Spike Lee/ (6) You Are Not Alone, le vrai Michael dans les yeux de son frère, Jermaine Jackson / (7) headphone.guru (traduction par mjlegend.com)/ (8) King, Richard Lecocq

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