
« Personne n’a atteint la magie de Michael Jackson », Rory Kaplan, le claviériste du Victory Tour et du Bad Tour
Le 18 octobre 2025 avait lieu la nouvelle édition du MJ Music Day, avec, à l’honneur, Rory Kaplan, le claviériste de Michael Jackson lors du Victory Tour et du Bad Tour.



L’équipe de l’association On The Line nous avait donnés cette fois-ci rendez-vous au théâtre l’île Ô, un théâtre flottant (le premier d’Europe) sur les berges du Rhône, à Lyon (69) autour d’un programme très complet dès 12h30, pour les possesseurs des billets VIP – avec une session photos et autographes de Rory Kaplan.
Pour ce MJ Music Day, l’équipe innovait une nouvelle formule avec, en plus de la conférence de Rory Kaplan, deux autres conférences menées par le youtubeur Greg Pop Culture :
La première avec deux collectionneurs : notre célèbre Hector Barjot national, que l’on ne présente plus, et Cédric Michon, membre de l’association qui propose le stand collectors à chaque MJ Music Day.

La seconde avec deux auteurs : Brice Najar, président de l’équipe On The Line, mais surtout auteur de trois ouvrages – Let’s Make HIStory, sorti en 2016, Blood On The Dance Floor, sorti en 2020 et From Thriller To Bad, sorti en 2025 – où, grâce à des entretiens avec les collaborateurs de Michael Jackson qu’il a pu interviewer (dont Rory Kaplan), il nous fait revivre le processus créatif des albums de Michael Jackson – et Franck Legac, qui a publié en 2024 Mes Années Michael Jackson, un livre où il raconte ses souvenirs de fan lorsqu’il a suivi, vu et rencontré Michael Jackson à plusieurs reprises. Les deux auteurs ont aussi pris un temps pour dédicacer leurs livres.






Plusieurs collectors étaient aussi exposés, avec de très belles pièces, uniques, certaines ayant appartenus à Michael Jackson. Parmi elles, la tenue de Rory Kaplan lors du Victory Tour, la chemise que Michael portait lorsqu’il était avec ses enfants à l’hôtel Dolder Grand de Zurich, en mai 2000, l’Artiste of The Decade, le vinyle de Smile ou encor le CD et la cassette Signature Series. Cédric Michon a d’ailleurs raconté qu’il n’existe que trois cassettes Signature Series au monde et elles sont toutes détenues par des français.






Rory Kaplan et Michael Jackson
La conférence de Rory Kaplan était bien entendu la plus attendue. Le musicien claviériste, qui a foulé les scènes du monde entier auprès de Michael Jackson lors de ses tournées, est apparu très ému sur la scène de l’Île Ô.

Il a souhaité participer à cet évènement pour pouvoir raconter son histoire, partager son expérience avec Michael Jackson et parce « on ne s’est pas rendu compte tout de suite de l’ampleur de ce qui se passait. On voyait Michael chanter et danser et il aimait ça ».
Il revient d’abord sur ses débuts : « J’ai d’abord commencé en tant que guitariste. J’avais un groupe avec Steve Lukather qui avait un talent incroyable. J’aime les gens qui ont du talent, David Paich, Steve Porcaro – avec Steve, on est devenu des ‘competitive friends’, c’était cool de jouer avec ces gars-là. »
« Michael Jackson, Stevie Wonder, ces artistes avaient un don, ils sont l’excellence. Greg Phillinganes, qui était le directeur musical de la tournée Bad, avait un don aussi. Il a travaillé pour intégrer les musiciens, pour guider le groupe, pour que tout fonctionne. Les gens qui représentent l’excellence ne nous jugent pas, ils nous rendent meilleurs. »
Le Victory Tour
« Michael était gentil et bienveillant avec tout le monde. »
« J’avais un groupe et on était sous le label RSO Records qui a fait faillite. Un jour j’étais dans un magasin et j’ai rencontré un type qui déployait les synthétiseurs Fairlight. J’ai travaillé pour lui et je me suis perfectionné sur le Fairlight. »
Le Fairlight est un clavier électronique qui permettait d’enregistrer des sons, des voix – à lire ici un article plus détaillé.
« Il a servi sur Heartbreak Hotel et Off The Wall. Cet instrument m’a permis de travailler avec de grands artistes à qui on proposait des sons, dont Jermaine Jackson. Jermaine m’a proposé de venir sur la tournée qu’il avait en préparation avec ses frères. En avril 1984, j’avais entendu que les frères étaient en répétition mais je n’avais pas eu de nouvelles. Un jour, Jermaine m’a appelé de Londres et m’a demandé de contacter Nelson Hayes. Ce dernier m’a dit qu’il avait déjà un claviériste, Pat Leonard. Mais Jermaine m’a dit ‘si tu ne fais pas la tournée, je ne la fais pas non plus’. C’est comme ça que j’ai été intégré. »
« J’étais déjà fan de Michael Jackson depuis le début des années 70. On avait tous entendu ABC et j’adorais Never Can Say Goodbye. J’étais au lycée quand c’est sorti. C’était incroyable cette époque. She’s Out Of My Life m’a beaucoup ému. Thriller est sorti, j’ai assisté au Motown 25. Michael est arrivé à un point que personne n’avait jamais atteint et jamais je n’aurais imaginé joué avec lui. »
« La première fois que j’ai rencontré Michael pendant les répétitions c’était après sa visite à la Maison Blanche [en mai 1984]. On répétait avec le groupe, on s’éclatait et Michael est arrivé. On s’est tous arrêté. Il y a eu un silence. J’avais 28 ans. Michael est venu vers moi et il m’a dit ‘tu ressembles à Paul McCartney ! C’est toi qui joues du Fairlight ?’ Il m’a demandé de lui jouer quelques sons. Michael était gentil et bienveillant avec tout le monde. »
« J’ai enregistré les répétitions et je les réécoutais le soir, lorsque j’étais seul. Je ne les avais jamais réécoutées jusqu’à il y a un an. Je vous fais écouter ‘Tell Me I’m Not Dreamin’ »
Extrait: Répétition de Tell Me I’m Not Dreamin‘, Michael Jackson, Jermaine Jackson
Et plus de quarante ans plus tard, un enregistrement inédit du duo entre Michael Jackson et son frère envahit la salle….un moment suspendu dans le temps, qui ne sera pas le dernier. « J’ai retrouvé ça il y a deux semaines. Jermaine était bon, mais Michael… c’est Michael ! »
Rory Kaplan évoque aussi David Williams, le guitariste sur Smooth Criminal et Billie Jean : « Il était très doué, il avait un « funky natural groove. »
Rory Kaplan enchaîne alors avec un extrait des répétitions du Victory Tour où David Williams joue Billie Jean. [Le musicien mime la guitare avec ses mains pendant l’écoute]
Extrait: Répétition de Billie Jean par David Williams
Il se souvient d’une anecdote avec le guitariste : « David aimait le poulet frit plus que n’importe qui. Un soir que nous étions en Floride, il est allé voir des amis. Pat Leonard et Jai Winding (un autre claviériste de la tournée) sont entrés dans sa chambre et ont étalé du poulet frit sur ses draps et ont remis la couette par dessus. Le lendemain, ils ont demandé à David s’il avait bien dormi. Il a dit qu’il avait bien mangé et bien dormi ! »
« J’ai revu Pat Leonard au Caribou Ranch, il m’avait fait écouter son album, un album magnifique. Quand il est revenu à L.A., on a diné ensemble et après deux ou trois bières, il m’a confessé qu’il perdait toujours son pantalon sur scène et qu’il avait soudoyé une couturière de la tournée ! »
En réponse à une question, il revient aussi les quelques tensions entre les frères Jackson : « Il y en avait parfois. C’était une famille, et dans une famille c’est inévitable. Il y avait les frères, trois managers, les avocats, c’était une grosse machine à business. Nous, les musiciens, on ne s’en mêlait pas. Un jour, on a vu une bataille de nourriture en backstage, c’était leur façon à eux de gérer les tensions. »




La tenue de Rory Kaplan (à droite sur les photos ci-dessus) pendant le Victory Tour était exposée au MJ Music Day
Le Bad Tour
« A la moitié du Bad Tour j’ai compris ce qu’on était en train de réaliser »
Après le Victory Tour, Rory Kaplan rejoint l’équipe de la première tournée en solo de Michael Jackson.
« Pour le Bad Tour, je n’étais pas sûr d’avoir le job, mais quand je l’ai eu j’ai hurlé comme une ado ! »
« On a commencé à répéter. La première séance, on avait une vingtaine de chansons à répéter. Les danseurs étaient là aussi, avec Vincent Paterson. Tout le monde était concentré pour aider Michael à préparer la tournée. »
« Il y a eu les auditions pour le ‘lead guitar’. Il y avait beaucoup de candidats mais Jennifer Batten était la plus douée et Michael l’a tout de suite voulue. Ricky Lawson était l’un des meilleurs batteurs. Greg Phillinganes était au-dessus de tout. Il n’y avait pas d’ego dans le groupe. Michael était tellement bon ! Je l’idéalisais. Ce n’est qu’à la moitié du Bad Tour que j’ai compris ce qu’on était en train de réaliser. On discute souvent avec Greg, on se rappelle de tout ça. Ces souvenirs avec Christopher Currell, Jennifer Batten, … on se rend compte de ce qu’on a quand on ne l’a plus… »
Extrait des répétitions avec Thriller où Greg Phillinganes joue et chante. [Rory Kaplan se replonge dans cet audio, il tape des mains en écoutant]
Extrait: Répétition de Thriller, par Greg Phillinganes
Extrait: Répétition de Heartbreak Hotel
« J’ai fait les cuivres et Greg me rejoignait pour le solo. Je jouais la partie principale. Chaque chanson était programmée pour ne pas avoir de choses répétitives. Pour cette tournée, il y avait tellement de sons. Chris Currell était là avec son synclavier ! »
« Michael avait tellement de facettes, il nous faisait confiance, il ne nous a jamais dit ce que nous avions à faire. Pendant les répétitions, il marchait, il observait tout, mais économisait sa voix pour les shows. Sur scène, il entendait tout ce qui se passait. Il nous disait les choses, il était ouvert à la discussion. Il répétait aussi pendant des heures dans sa chambre d’hôtel.
Un jour, nous étions en Allemagne. A cause du clavier du Fairlight, je ne voyais qu’une partie de son corps quand on était sur scène. Sur Billie Jean, à un moment, j’ai vu Michael se déplacer sur le côté mais il ne bougeait pas. J’ai cru qu’il y avait un tapis roulant. J’en ai perdu mes mesures, mes notes. Michael s’en est aperçu et est venu me voir après le concert pour savoir ce qu’il s’était passé. Je lui ai dit que je voyais son corps bouger et que je ne comprenais pas. Michael a ri !
« Je déteste le maquillage et j’espérais qu’on en en aurait pas sur cette tournée. Michael a filmé le groupe pendant les répétitions et a décidé qu’il nous fallait des extensions pour les cheveux et des costumes. Les extensions se prenaient dans les touches du clavier. J’ai demandé à les enlever mais il y avait des contraintes esthétiques pour tout le monde. »
« Tout sur scène était la vision de Michael, les lumières, les décors, les chorégraphies et des trucages bien ficelés. Sur Dirty Diana, il y avait une tente en backstage pour qu’il se change, même chose avec Thriller et le masque du loup-garou. C’est Greg qui est sous le masque. »
« Nous avions répété Spead demon mais on était pas sûr de la jouer sur scène. C’était un titre génial en live mais comme c’était une vidéo animée, avec beaucoup de bruits, on ne savait pas comment la reproduire sur scène. »
« Il ne fallait pas être seulement bon, il fallait être excellent. Un jour Greg a dû subir une opération médicale et je devais le remplacer. J’étais très stressé. Michael m’a dit ‘allez on tente’. J’ai joué devant lui et il m’a dit ‘c’est un peu comme le gong show’ ! [le Gong show était une émission américaine où des artistes amateurs venaient se produire. Si un des juges considérait un numéro mauvais, il pouvait le forcer à s’arrêter en frappant un grand gong] J’avais honte et j’ai travaillé dur. Greg m’a ensuite tout appris pendant deux mois au cas où j’aurais à nouveau à le remplacer. »



Les différences entre les deux tournées
« Michael était à fond, il était tellement bon. »
« Le Victory Tour c’était une démocratie. Il y avait les frères et ils avaient tous leur mot à dire. Pour le Bad Tour, Michael faisait ce qu’il voulait à 100%, il n’y avait plus ses frères. »
« Ce que j’ai ressenti sur le Bad Tour était une expérience physique incroyable, Michael était à fond, il était tellement bon. Ensuite, la cohésion du groupe n’était pas pareille. Michael rivalisait avec lui-même. »
« Le Bad Tour c’était un ‘loud show’, les enceintes étaient très fortes, Michael adorait ça. »
« Des stars venaient souvent en backstage du Bad Tour : Liz Taylor, Lady Diana, … C’était énorme, mais normal pour Michael. »
« Le Bad Tour c’était un peu des vacances payées. Ca a duré 18 mois mais on aurait voulu que ça dure plus longtemps ! A Rome on a eu une semaine de congé, on a pu visiter la ville. »
Session de Q & A
« Je ne crois pas que Michael sera égalé un jour. »
- Quels étaient les synthés utilisés lors du Victory Tour ?
Rory Kaplan (RK) : « Il y avait le Fairlight 22, un Yamaha et qu’il y avait aussi un piano acoustique. »
- Les instruments que vous aviez sur les tournées étaient-ils fournis ou aviez-vous les vôtres ?
RK : « Pour le Victory Tour, ils étaient fournis, pour le Bad Tour, il y avait tellement de sons … »
- Quelle est votre chanson préférée ?
RK : « Never Can Say Goodbye et en concert c’est Human Nature »
- Quel est le pays qui vous a le plus impressionné en tournée ?
RK : « Le Japon, c’était comme la Beatlemania là-bas. Mais partout c’était formidable : Rome, Paris, Berlin, Londres. On a fait sept shows sold out au Wembley Stadium ! »
Extrait: Répétition de Man In The Mirror
Rory Kaplan joue en live tout en passant un extrait des répétitions« J’ai aussi retrouvé l’année dernière les répétitions de She’s Out of My Life ».
Extrait: Répétition de She’s Out Of My Life
Extrait: Répétition de Beat It (avec les cris du début)
« C’est tellement émouvant de réécouter tout cela. J’aimerais travailler avec l’Estate pour pouvoir mettre tout cela sur une bande pour un musée. »
« Je vais vous jouer un morceau que j’ai répété dans la semaine avec Greg Phillinganes, j’espère que je serai aussi bon que lui. » Les lumières de la salle se tamisent et un moment inattendu va alors avoir lieu. Je pense pouvoir dire sans me tromper que cela a été un des plus beaux moments de cette journée pour tous. Rory Kaplan a joué en live She’s Out Of My Life.
She’s Out Of My Life, en live, au clavier, par Rory Kaplan
Comment qualifier ces quelques minutes ? Magiques peut être ? Ce qui est sûr c’est que les frissons étaient là et que quelques larmes ont coulé. On aurait presque eu l’impression que Michael allait se mettre à chanter….. Les longs applaudissements à la fin de sa prestation ont beaucoup touché Rory Kaplan et en ont dit long sur l’émotion des fans présents.

- Y avait-il des rituels en tournée ?
RK : « Avant le show, Michael rassemblait l’équipe. On se donnait la main. Greg encourageait tout le monde, il criait, comme pour motiver une équipe de foot ! »
- Comment se passait l’après-concert ?
RK : « Après les concerts, on était très excité, on avait besoin de temps pour redescendre. Parfois, on allait se reposer, parfois, on faisait la fête. Un jour Gregory Peck est venu en backstage et nous a dit ‘Great show, guys !’ Quincy était là aussi. A Londres, on a eu droit à un dîner dans un endroit royal. C’était incroyable !
- Concernant le biopic, qu’aimeriez-vous y voir ?
RK : « De belles choses au sujet de Michael : ses actions caritatives, les enfants qu’il invitait aux concerts, ces choses dont on parle peut. »
- Un dernier mot sur Michael, comment le définiriez-vous?
RK : « La passion. Tout ce que Michael faisait peut se résumer avec le mot passion, c’est vraiment le mot qui me vient. Ses motivations, son perfectionnisme, ses envies, tout ça c’est grâce à la passion.
Personne n’a atteint la magie de Michael Jackson. Il n’avait que 29 ans. C’était une époque unique. On a eu tellement d’artistes talentueux. Je ne crois pas que Michael sera égalé un jour, pas plus que Stevie Wonder ou Paul McCartney. Il faudra encore des siècles avant de voir des choses aussi énormes.
Aujourd’hui les tickets de concert sont excessivement chers. Michael demandait moins. A ce jour, personne ne l’a égalé ! »
Rory Kaplan termine cette journée en jouant en live une de ses chansons préférées.
Human Nature, en live, au clavier, par Rory Kaplan
La conférence de Rory Kaplan prend fin avec plusieurs minutes d’applaudissements suivis d’une ovation pour l’équipe d’On The Line. La salle est conquise, heureuse d’avoir pu revivre pendant deux heures les tournées de Michael Jackson. Et pour la « vieille » fan nostalgique que je suis (et je n’étais pas la seule:) avoir pu revivre cette folie des années 80, ça n’a pas de prix, qui plus est avec un témoin privilégié de cette époque. L’émotion, le partage, l’humilité et la simplicité de Rory Kaplan ont rendu ce moment unique. Merci à lui d’avoir accepté de partager ses souvenirs.



Chaque édition du MJ Music Day est grand moment, et celui-là n’a pas dérogé à la règle. Merci à toute l’équipe d’On The Line pour l’organisation. On attend déjà la suivante avec impatience. Et, vraiment, si vous en avez la possibilité, n’hésitez pas à y participer ! C’est toujours un plaisir d’y rencontrer les fans.
Disclaimer : J’ai essayé de retranscrire aussi fidèlement que possible les propos de Rory Kaplan en m’aidant des notes prises lors de la conférence. Il se peut qu’il y ait quelques erreurs ou des oublis. N’hésitez pas à le signaler en commentaire. Il n’est pas toujours évident de profiter du moment, écouter les anecdotes, prendre des notes et traduire, tout cela en même temps, alors merci pour votre bienveillance.
Photos en noir et blanc prises par la photographe du MJ Music Day. Les autres photos de l’évènement sont des clichés personnels.
