Merci Mr Quincy Jones

Quincy Jones s’est éteint le 3 novembre 2024, à l’âge de 91 ans. Un géant de la musique s’en va et laisse derrière lui soixante dix ans d’une carrière immense, riche et incomparable en tant que trompettiste, arrangeur, compositeur, réalisateur et surtout comme l’un des plus grands producteurs de musique.

Les fans de Michael Jackson le connaissent bien car il a été celui qui a permis à la star de s’affirmer en tant qu’artiste solo avec Off The Wall, puis d’atteindre les sommets avec Thriller et Bad. Il est inutile de revenir sur cette collaboration que nous connaissons tous très bien, issue d’une rencontre presque fortuite sur le tournage du film The Wiz en 1977 – mais pas la première, ils s’étaient déjà vus en 1972 lors d’une réception chez Sammy Davis à Los Angeles. LA rencontre qui, selon les propres mots de Quincy Jones, « a été la meilleure chose qui me soit arrivé sur The Wiz » (1)

Durant une décennie, Quincy Jones et Michael Jackson vont écrire l’histoire de la musique, accompagnés de l’ingénieur du son Bruce Swedien. Quincy Jones le producteur devient, pour Michael Jackson, Quincy Jones le collaborateur, le conseiller, l’ami et le père de substitution, comme a pu l’être Berry Gordy, lors du passage de Jackson 5 chez Motown.

Mais la carrière de Quincy Jones – Q pour les intimes- ne s résume pas qu’à sa collaboration avec Michael Jackson. Difficile d’énumérer tous ceux avec qui il a travaillé, des noms qui suscitent l’admiration et qui lui vaudront 80 nominations aux Grammy Awwards et 28 récompenses : Ray Charles, Count Basie, Lionel Hampton, Dizzie Gillespie, Dinah Washington, à ses débuts. Nicole et Eddie Barclay lui ouvrent les portes de tout le gratin français alors qu’il étudie à Paris avec Nadia Boulanger à la fin des années 50 : Henri Salvador, Jacques Brel, Charles Aznavour, Michel Legrand, les Double Six, Stéphane Grapelli et l’américaine Sarah Vaughan. C’est aussi en France qu’il rencontre pour la première fois Frank Sinatra avec qui il travaillera à plusieurs reprises jusqu’en 1984.

De retour aux Etats-Unis, il se lance dans les musiques de films et de série télévisées tout en continuant d’arranger et produire des artistes comme Ella Fitzgerald, Aretha Franklin, Louis Armstrong, Sammy Davis, Tony Bennett, Shirley Horn, Paul Simon avant de se tourner vers le disco funk avec Donna Summer, les Brothers Johnson, George Benson, Stevie Wonder, James Ingram ou encore sa voix féminine fétiche, Patti Austin. En 1985, We Are The World, par le collectif USA For Africa, c’est encore lui.

Jazz, soul, funk, pop, R&B, hip hop, musiques de film, séries télé, le répertoire de Quincy Jones pourrait en faire pâlir certains et l’homme  est un précurseur dans son art de bâtir des ponts entre les genres. En tant qu’individu, on a donc forcément tous, un jour, côtoyé de près ou de loin, la musique de Quincy Jones.

Rewind : Au début des années 80, une petite fille, au milieu de sa campagne française, découvre l’œuvre de Quincy Jones, sans vraiment savoir qu’il s’agit de lui. Elle n’a qu’une dizaine d’années quand sa voisine, qui pourrait être sa mère, lui fait écouter, régulièrement le mercredi après-midi, des titres soul disco funk en provenance des Etats-Unis, le groupe Earth Wind and Fire en tête. Au milieu du salon de cette voisine, elle admire les 33 tours et écoute cette musique, qui, elle ne le sait pas encore, la suivra le reste de sa vie.

Un mercredi, elle rentre chez elle avec une cassette audio qui compile les meilleurs titres entendus. Un petit graal à cet âge et à cette époque! Certains morceaux se démarquent rapidement, deviennent de gros coups de cœur : Give Me The Night de George Benson, Stomp !  des Brothers Johnson et surtout Ai No Corrida. Leur point commun ? Le producteur Quincy Jones, qui travaille déjà avec l’équipe qui va façonner l’album Thriller, quelques temps plus tard.

J’ai souvent repensé (oui cette petite fille d’une dizaine d’années c’était moi !) à la façon dont je suis devenue fan de Michael Jackson et je crois que l’écoute de ces titres en étaient déjà les prémices. Quand Thriller est sorti, il ne pouvait pas en être autrement. Le choc mais une suite logique à ces morceaux écoutés et réécoutés sur cette cassette audio !

Alors j’ai juste envie de dire, merci Mr Quincy Jones pour cette musique qui a rythmé presque toute ma vie.

J’aurai l’occasion en juin 2019 de voir ce grand monsieur sur scène, à l’O2 de Londres. Pour les dix ans de la disparition de Michael Jackson, là même où ce dernier aurait dû se produire pour ses concerts This Is It, le musicien a organisé un concert hommage avec les plus grands titres du King of Pop (à lire ici). La relation entre Quincy Jones et Michael Jackson a certes eu des hauts et des bas, Quincy n’ayant pas eu des paroles toujours tendres envers son ex poulain mais au final, j’ai juste envie de retenir le génie musical de ce monsieur.

Né et élevé dans la misère à Chicago, parti de rien (j’ai pu, en 2014, me rendre dans le quartier où il a grandi et voir sa maison d’enfance) il est devenu une force culturelle dont l’influence a fait le tour du monde. Amoureux de la France, défenseur des droits civiques, philanthrope, il a côtoyé les plus grands hommes, les plus grands artistes de la planète. Infatigable, il disparait avec des projets qui restent en suspens.

Même si on sait qu’une légende ne meurt jamais et que son héritage continuera d’inspirer et de résonner pour les générations futures, la disparition de Quincy Jones –après celle de Michael Jackson Rod Temperton et Bruce Swedien – signe la fin d’une époque magique. Et provoque une grosse émotion pour l’ex petite fille de 10 ans, nostalgique, qui voit le livre d’une grande partie de sa vie se refermer.

Au revoir Mr Quincy Jones.

Pour en savoir plus sur Quincy Jones, le documentaire Quincy est toujours disponible sur Netflix (à lire ici).

Source: (1) Livre Quincy, Quincy Jones