Michael Jackson

When We Grow Up, Michael Jackson et Roberta Flack, 11 mars 1974

Roberta Flack, la chanteuse et musicienne américaine nous a quittés le 24 février 2025. Récompensée deux années d’affilées par un Grammy Award pour deux de ses plus grand succès, The First Time Ever I Saw Your Face, en 1973 et Killing Me Softly with His Song, en 1974, l’artiste à la voix douce est surtout connue par les fans de Michael Jackson pour son duo pétillant avec le chanteur en 1974, When We Grow Up.

Roberta Flack a alors 37 ans et Michael Jackson, 15 ans, mais la magie opèrent entre les deux lors d’une émission pour enfants qui va devenir un gros succès.

Free To Be … You And Me, l’album

En novembre 1972, en collaboration avec la Ms Foundation for Women, sort l’album Free To Be …You And Me, contenant des chansons et des histoires chantées ou racontées par des célébrités de l’époque, – parmi lesquelles Diana Ross, Harry Belafonte ou encore Mel Brooks – et créditées sous le nom de « Marlo Thomas and Friends », ainsi qu’un livre illustré, destinés aux enfants.

Actrice, productrice et activiste sociale, Marlo Thomas a l’idée de ce projet en voulant enseigner à sa jeune nièce que l’on peut rejeter ou réfuter les stéréotypes pour enfant que l’on trouve dans les livres d’histoires à l’époque, la joie d’avoir des amis et l’importance d’exprimer ses émotions. Elle fait appel à Carrol Hart, productrice et à son mari Bruce Hart et Stephen J. Lawrence pour la musique, tous les trois ayant déjà travaillé sur l’émission Sesame Street quelques années plus tôt.

Au travers de chansons, de sketches et d’histoires, l’album  explique aux enfants des années 70 qu’ils pouvaient être et faire ce qu’ils voulaient. Les filles pouvaient courir et devenir médecins, les garçons pouvaient jouer à la poupée et pousser une poussette. Une princesse pouvait décider de ne pas épouser un prince ou qui que ce soit. Un homme pouvait pleurer.

When We Grow Up par Diana Ross

Parmi les titres de l’album se trouve la chanson When We Grow Up, composée par Stephen J. Lawrence et interprétée par Diana Ross.

Stephen J. Lawrence raconte : « L’un des thèmes principaux de «Free To Be … You And Me» est la joie de l’amitié. C’est dans cet esprit que la parolière Shelley Miller a eu l’idée de « When We Grow Up ». Quelques jours plus tard, elle m’a donné une première ébauche que j’ai montrée à Carole Hart et Marlo Thomas. Elles l’ont aimée et m’ont donné le feu vert pour écrire la musique. À ce moment-là, je ne savais pas encore qui serait l’interprète, mais je savais que je voulais une chanson simple et innocente. J’ai créé un modèle instrumental pour deux guitares et deux flûtes avant d’écrire une note de mélodie. J’ai trouvé un sentiment musical sur lequel je pouvais facilement faire flotter une mélodie simple. Je l’ai jouée plusieurs fois et j’ai commencé à chanter la mélodie comme si je l’avais déjà composée.

Une fois la chanson terminée, je l’ai jouée à Shelley, puis à Carole et Bruce, et enfin à Marlo. Tout le monde était ravi et j’ai enregistré une rapide démo piano-chant qui a été envoyée à Diana Ross. J’étais extrêmement content quand Carole m’a dit que c’est elle qui la chanterait sur le disque.

Pour la plupart des chansons, j’ai préenregistré une piste instrumentale à New York, puis je l’ai apportée à l’interprète sur une bande pour qu’il y ajoute sa voix. Pour « When We Grow Up », le temps était compté. Nous avions l’emploi du temps de Mme Ross et nous devions bientôt partir pour enregistrer sa voix aux studios Motown à Los Angeles. Je lui ai parlé au téléphone et nous avons défini une tonalité. J’avais déjà commencé à élaborer le son de base de l’arrangement et je l’ai terminé dans l’avion.

Lorsque je suis arrivé aux studios Motown, j’ai pensé aux nombreux artistes célèbres qui y avaient enregistré, aucun n’étant plus célèbre que Diana Ross. J’ai réalisé que l’ensemble du projet «Free To Be… Yoy And Me» propulsait ma carrière vers de nouveaux sommets. J’avais confiance en mes capacités de composition et j’ai apprécié chaque minute de ce projet.

Les musiciens ont commencé à arriver. En plus des deux flûtes et des deux guitares, nous avions une basse, une batterie et des cymbales à doigts. Nous avons enregistré les instruments en premier, puis Diana Ross. Contrairement à la quantité de répétitions que nécessitaient la plupart des autres chansons, il était clair qu’elle avait appris la chanson et, plus important encore, elle savait intuitivement qu’elle devait être chantée comme je l’avais composée, sans trop de son phrasé pop unique pour lequel elle est si connue. Je me souviens qu’elle l’a chantée exactement comme je le voulais, en une seule prise. » (1)

Même si le projet fait face des réactions négatives, notamment de la part de certains dirigeants religieux conservateurs, le disque est un immense succès, saluant des valeurs telles que l’individualité, la tolérance et le fait de se sentir bien avec son identité. Il devient disque d’or immédiatement, disque de platine en deux ans et disque de diamant en moins de dix ans. En 2021, l’album a été jugé « culturellement, historiquement ou esthétiquement significatif » par la Bibliothèque du Congrès et sélectionné pour être conservé dans le National Recording Registry.

When We Grow Up, Michael Jackson et Roberta Flack

Le succès est tel qu’une émission, du même nom que le disque et le livre, est diffusée à la télévision américaine, le 11 mars 1974. De part les personnes impliquées dans le projet depuis deux ans et qui ont aussi collaboré à l’émission Sesame Street, au début des années 70, l’adaptation télévisée de Free To Be.. You And Me fait écho à la sensibilité artistique et éclectique des débuts de ce qui deviendra 1, rue Sésame en France, avec des animations, des sketches au message fort et des stars invitées.

Tout le matériel de l’album n’est pas utilisé pour ce TV special mais le titre When We Grow Up fait partie des titres qui sont repris. Mais ce n’est pas Diana Ross qui est choisie pour l’interpréter.

Le compositeur Stephen J. Lawrence se souvient : « Nous avons décidé d’adapter la chanson « When We Grow Up » en duo et de demander à Michael Jackson et à Roberta Flack de la chanter. Ils ont tous deux accepté. Shelley Miller a apporté quelques modifications aux paroles et notre duo est né.

Les débuts avec Roberta Flack ont été un peu houleux. Je travaillais sur l’arrangement de « When We Grow Up » dans ma chambre d’hôtel lorsque le téléphone a sonné. Je me suis alors retrouvé à écouter une tirade de Mme Flack. «Je suis à Los Angeles depuis deux jours et personne ne m’a appelée. Je ne suis pas habituée à ce genre de traitement ! » Mais personne ne m’avait dit, que, en tant que compositeur et directeur musical, je devais envoyer un panier de friandises dans sa chambre et remplir le minibar. Je me suis excusée pour cet affront et j’ai appelé tous ceux à qui je pouvais penser pour apaiser la diva.

Michael était un gamin exubérant, talentueux et amical lorsque j’ai travaillé avec lui. C’était d’autant plus remarquable à la lumière de ce que nous savons maintenant concernant la manière dont son père le traitait.

J’ai rencontré Roberta et Michael pour la première fois dans un studio d’enregistrement à Los Angeles. Nous avons répété et enregistré leur voix pour le playback de l’émission. Je leur avais parlé au téléphone pour définir une tonalité avant de quitter New York.

Ils m’ont tous les deux impressionné par leur talent musical et leur capacité à apprendre rapidement. Ils ont su intuitivement comment insuffler à leur personnage le côté enfantin. Ils étaient très naturels ensemble et crédibles en tant qu’enfants, même si Michael avait 14 ans et Roberta 33 (comme indiqué plus haut, Michael avait en fait 15 ans – presque 16 ans – et Roberta, 37 ans). J’ai été heureux de découvrir que leurs voix se mariaient à merveille. (..)

Lors de la séance d’enregistrement de l’instrumental pour l’album, j’avais utilisé deux flûtes, un piano, deux guitares, une basse, une batterie et des cymbales. Pour la version télévisée, j’ai ajouté une petite section de cordes pour le troisième couplet.

Avec un décor imaginaire signé par la légende de Broadway Tony Walton et une mise en scène du multitalentueux Bill Davis, « When We Grow Up » est devenu l’un des segments les plus marquants de Free To Be … You And Me » (1).

Effectivement, malgré leur différence d’âge, Michael Jackson et Roberta Flack nous livrent, tout sourire, un duo unique, plein de joie de vivre et de peps. Un moment d’insouciance aussi pour le jeune Michael d’à peine 16 ans qui le temps de quelques minutes se retrouve réellement dans la peau d’un adolescent de son âge, tout en délivrant un message fort qui, on le sait, lui tenait à cœur. Et si la vidéo reflète bien la légèreté et l’optimisme, les photos parlent également d’elles-mêmes.

Michael, Roberta Flack et Marlo Thomas, la productrice de l’émission (dernière photo)

L’émission spéciale, qui dure environ cinquante-cinq minutes, est aussi un gros succès et sera récompensée d’un Emmy Award le 28 mai 1974.

Treize ans plus tard, en 1987, Roberta Flack prête sa voix pour jouer, en off, le rôle de la mère de Darryl / Michael Jackson dans le short film Bad du chanteur. On peut ainsi l’entendre lire la lettre laissée dans l’appartement quand Daryll rentre chez lui après son semestre (à partir de 3 :32 dans la vidéo)

The Jacksons ont aussi repris en 1974 le titre phare de la carrière de Roberta Flack, Kiling Me Softly With His Song, en live, lors d’une émission télévisée du Bill Cosby Show. Un petit moment de douceur.

Sources : (1) stephenlawrencemusic.net / Wikipedia

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