Michael Jackson remercié par la Pride Patrol du National Youth Movement d’Al Sharpton, août 1984

En 1971, le Révérend Alfred « Al » Sharpton fonde le The National Youth Movement, qui promeut l’engagement politique, culturel et professionnel des jeunes. Proche de Jesse Jackson, son mentor, Sharpton n’a alors que 17 ans – il prêche cependant depuis l’âge de 4 ans – mais a déjà un passé actif en tant que militant des droits civiques.

Proche de James Brown, qu’il considérait comme son père, le pasteur, à la personnalité bruyante mais incontournable aux Etats-Unis, a, tout au long de sa vie été sur tous les fronts : il s’est essayé à la politique, il a travaillé secrètement pour le FBI, il a fait de nombreuses apparitions télévisées ainsi qu’au cinéma et était très proche de certaines stars du show-business. Michael Jackson comptera parmi celles-ci.

Le 6 juillet 1984, le Victory Tour des Jackson est lancé à Kansas City (Missouri). Le très controversé Don King, ancien boxeur, devient le promoteur de la tournée. Le système de vente des tickets des concerts – l’obligation d’acheter un lot de quatre tickets à 30 dollars chacun, sans être sûr de pouvoir assister au concert, la vente étant soumise ensuite à une loterie – est cependant rapidement critiqué, la plupart des fans afro-américains du groupe ne pouvant en effet pas se permettre une telle dépense.

Si Michael Jackson a vent des pratiques de vente des billets et annonce, la veille du lancement de la tournée, lors d’une conférence de presse, qu’il versera la totalité de ses propres bénéfices à des œuvres de charité et que le système de vente sera modifié, le prix reste identique et difficilement accessible pour beaucoup.

Face à une menace de boycott, le révérend Al Shaprton est engagé en tant que co-président de l’équipe des relations communautaires des Jackson, après avoir déclaré que « les Jackson ne rendent pas assez à la communauté qui les soutient depuis leur époque sur le chitlin circuit ».

Dans le cadre de son organisation The National Youth Movement, Sharpton créé alors à la hâte ‘Pride Patrol’, un programme de sensibilisation communautaire. Dans son autobiographie, le pasteur affirme qu’il bénéficiait d’un budget de 500 000 dollars pour couvrir la distribution de billets gratuits pour les 55 concerts de la tournée. Une partie du budget a également été utilisé pour faire des dons et embaucher des jeunes démunis pour aider à la sécurité des concerts des Jackson.

Ces jeunes membres de la Pride Patrol étaient recrutés dans les villes où passait le Victory Tour, parfois parmi les gangs locaux – au grand désarroi de la police – pour assurer la sécurité autour des stades et faire en sorte qu’aucun débordement ne puisse avoir lieu. Sharpton a déclaré que « les groupe de patrouille avait été conçu pour inciter les spectateurs à être fiers de leur communauté et à s’abstenir de toute violence. »

Les 4 et 5 août 1984, le Victory Tour est au Madison Square Garden de New York.

A cette occasion, 302 jeunes sont assignés autour du MSG afin, indique Sharpton, « de convaincre les fans de se comporter correctement et protéger l’image des Jackson. »

Quelques jours plus tôt, le 1^er août 1984 (ou le 2), le révérend Al Sharpton, entouré des capitaines de la Pride Patrol, remet à Michael Jackson, dans sa suite du Hemsley Palace de New York, une plaque et un T-shirt identique à celui que portent les membres de la Pride Patrol, le remerciant ainsi de sa collaboration avec le National Youth Movement.

La plaque contient un exemplaire des flyers qui seraient distribués autour du MSG lors des concerts. On peut y lire :

“The Victory Tour did not sell out.
The tickets were gone in a matter of hours. Unfortunately, a lot of us city kids never had the chance, or the money to buy them.
But the Jacksons didn’t forget about the kids of New York.
They remembered that kids like us, turned their records to gold. Kids like us, filled their last concert tour. Kids like us, were their most loyal fans.
The Victory Tour did not sell us out!
The Jacksons and The National Youth Movement have helped hundreds of teenagers who could never afford to buy a ticket, earn a ticket.
They’re letting us serve in the Victory Tour “Pride Patrol”.
Our job is to help make each Victory Concert a “Day Of Pride” for The Jacksons, their fans, and the kids of New York.
To do our job we need your help.
If you have a ticket, we hope you enjoy the concert and join us for making it a symbol of Pride and Peace for young and old.
If you don’t have a ticket, we hope you will still celebrate the success of this talented American Family by making their visit to our city something we can all be proud of.
Be Proud of The Jacksons. Be Proud of New York. Be Proud of yourself.
The National Youth Movement
Pride Patrol

Traduction:

« Le Victory Tour n’a pas trahi.
Les billets se sont vendus en quelques heures. Malheureusement, beaucoup d’entre nous, les gamins de la ville, n’ont jamais eu la chance ou l’argent pour les acheter.
Mais les Jackson n’ont pas oublié les enfants de New York.
Ils se sont souvenus que ce sont nous, ces gamins, qui avons fait de leurs disques des disques d’or. Ce sont nous, ces gamins, qui avons rempli les derniers concerts des tournées. Ce sont nous, ces gamins, qui sommes leurs fans les plus fidèles.
Le Victory Tour ne nous a pas trahis !
Les Jackson et le National Youth Movement ont aidé des centaines d’adolescents, qui n’ont pas eu les moyens d’acheter un billet, à gagner un billet.
Ils nous laissent être au service de la Pride Patrol du Victory Tour.
Notre travail consiste à faire en sorte que chaque concert du Victory Tour soit une « journée de fierté » pour les Jackson, leurs fans et les enfants de New York.
Pour faire notre travail, nous avons besoin de votre aide.
Si vous avez un billet, nous espérons que vous apprécierez le concert et que vous vous joindrez à nous pour faire de ce moment un symbole de fierté et de paix pour petits et grands.
Si vous n’avez pas de billet, nous espérons que vous célébrerez tout de même le succès de cette talentueuse famille américaine en faisant de leur visite dans notre ville quelque chose dont nous pourrons tous être fiers.
Soyez fiers des Jackson. Soyez fiers de New York. Soyez fiers de vous.
The National Youth Movement
Pride Patrol

Michael Jackson et Al Sharpton

Contrainte ou non par la tournure des évènements, cette association entre le Victory Tour et le Mouvement de la Jeunesse Nationale n’est cependant pas la première fois qu’Al Sharpton et Michael Jackson se côtoyaient.

Leur première rencontre date de septembre 1972, les Jackson 5 se produisent alors à la Black Exposition, conduite par l’Operation PUSH (« People To Save Humanity »), organisée par Jesse Jackson. Michael Jackson a 14 ans, Al Sharpton en a 18.

Ils se croiseront ensuite en 1979, dans les coulisses d’un concert de James Brown, à Los Angeles.

Les deux hommes se retrouvent près de vingt ans après le Victory Tour, dans les locaux de la National Action Network (NAN) à Harlem, New York. L’organisation de défense des droits civiques, à but non lucratif, fondée en 1991 par Al Sharpton, a en effet soutenu Michael Jackson dans son combat contre sa maison de disques Sony, en juillet 2002, et a accueilli le chanteur qui y délivre, aux côtés même du révérend, un discours contre le racisme dans l’industrie de l’entertainment.

Le 30 décembre 2006, les deux hommes assistent ensemble aux funérailles de James Brown où Al Sharpton est chargé d’officier. L’un comme l’autre adoraient le Parrain de la Soul et les photos prises ce jour-là les montrent très affectés par la perte de celui qui a fortement influencé leur vie.

Le 7 juillet 2009, la famille Jackson demande à Al Sharpton de prononcer l’éloge funèbre du chanteur au mémorial qui a lieu au Staples Center de Los Angeles. Le monde pleure la disparition de Michael Jackson depuis quelques jours et le pasteur salue dans son discours la mémoire « de celui qui a contribué à briser les chaînes » de la communauté afro-américaine.

« Michael est monté au firmament », dit-il. « A chaque fois qu’on l’a mis par terre, il s’est relevé. A chaque fois qu’on ne comptait plus sur lui, il revenait. Michael ne s’est jamais arrêté, jamais, jamais. (…) Je veux que ses trois enfants le sachent : votre papa n’avait rien de bizarre. Votre papa a dû gérer des choses bizarres mais il les a gérées ».