Collaborations

La collaboration entre Michael Jackson et Steve Porcaro à l’honneur au MJ Music Day

Le samedi 12 novembre 2022, l’association On The Line donnait rendez-vous aux fans de Michael Jackson pour un nouveau MJ Music Day à l’Abbey Road Institute de Suresnes, en région parisienne.

L’album Thriller fêtant ses quarante ans cette année, c’est donc un illustre musicien et collaborateur de Michael Jackson qui a été invité à venir évoquer ses souvenirs dans un studio comble – l’évènement affichant complet.

Steve Porcaro n’est plus à présenter. Membre du groupe Toto, créé par son frère Jeff Porcaro et David Paich, avec également Steve Lukather, David Hungate et Bobby Kimball, Steve Porcaro est un musicien, claviériste, auteur-compositeur qui a travaillé avec Michael Jackson de nombreuses fois au cours de la carrière du Roi de la Pop.

C’est la chanson Human Nature qui marquera le plus la collaboration entre les deux hommes (bien qu’il y en ai eu de nombreuses autres) et qui a largement été mise à l’honneur au cours de cet après-midi en studio.

Les hommages

« Le plus important n’est pas ce que tu entends mais ce que tu ressens » (Michael Jackson)

Les membres du MJ Music Day avaient d’ailleurs préparé deux vidéos surprises pour Steve Porcaro où des musiciens de renom de Michael Jackson lui ont rendu hommage et ont évoqué Human Nature. Ce qui a beaucoup ému l’intéressé.

Nous avons ainsi pu voir et entendre Greg Wright (guitariste sur le Victory Tour), Christopher Currell (qui a travaillé au synclavier avec Michael Jackson sur l’album Bad et le Bad Tour), Jennifer Batten (guitariste sur le Bad Tour), Morris Pleasure (qui a joué Human Nature durant les répétitions de This Is It), Siedah Garrett et Brad Buxer (qu’on ne présente plus) dans la première vidéo ainsi que Tom Bahler (J’ai adoré sa phrase « Let’s Take a Bite of Gratitude of what you’ve done »), John Bettis (qui a co-écrit  Human Nature), Larry Williams (musicien au synthétiseur sur les premiers albums), Anthony Marinelli (qui a travaillé sur la programmation du synthétiseur sur le titre Thriller) et le grand Matt Forger, qu’on ne présente plus non plus, et qui terminera cet hommage, dans la deuxième vidéo, avec une phrase que Michael Jackson disait : « The most important is not what you you hear, it’s what you feel.»

Off The Wall, les débuts avec Michael Jackson

« Bruce était un ingénieur incroyable. Michael avait vraiment de la chance de l’avoir » (Steve Porcaro)

Jeff Porcaro, le frère de Steve,  a rencontré David Foster dans un club de Los Angeles, le Roxy (très connu à l’époque) et ils ont commencé à travailler ensemble sur un clavier CS80, ce qui demandait alors beaucoup de connaissances.

David Foster bossait avec Michael Jackson sur l’album Off The Wall – il a notamment composé It’s The Falling In Love – et Steve Porcaro, qui s’intéressait aux claviers, a vite été enrôlé dans l’équipe en tant que programmateur de synthé.

Quincy Jones, qui le surnommait Poco, lui a aussi demandé de travailler sur plusieurs autres projets, les albums de Donna Summer, des Brothers Johnson. Selon lui, ce qui l’a rendu unique, c’est de connaître la technique des synthétiseurs, savoir arranger, écrire, composer, savoir combiner la musique et la technologie.

Il a également passé beaucoup de temps avec Bruce Swdien qui est devenu un complice. « Bruce était un ingénieur incroyable. Michael avait vraiment de la chance de l’avoir », dit-il avec beaucoup de sincérité.

L’album Thriller et Human Nature

« J’étais investi en tant que musicien mais c’est un titre en tant que compositeur qui a retenu l’attention » (Steve Porcaro)

Lorsque l’équipe a commencé à travailler sur l’album Thriller, de nouveaux claviers, de nouveaux séquenceurs avaient fait leur apparition, ils étaient plus faciles à utiliser. Mais il était difficile d’en trouver sur Los Angeles et ils étaient surtout très chers (16 000 dollars). Jeff Porcaro a réussi à en trouver un au Japon.

C’est le clavier Yamaha GS1 (merci au fan qui m’a adressé un message pour me donner la bonne référence ) qui a été utilisé pour Human Nature.

Quincy Jones a fait travailler Porcaro sur tous les titres de l’album mais il ne gardait que le meilleur des pistes. Porcaro a joué une petite partie du synthé vers la fin de Beat It (Jeff Porcaro est à la batterie), un titre que Quincy voulait façon My Sharona, très rock. Il a aussi joué sur Billie Jean mais cela n’a pas été retenu par Quincy.  Au début de The Girl Is Mine, on entend un son de synthé joué par un de ses amis canadiens.

« Pour Quincy, explique Steve Porcaro, « tout ce qu’on faisait était génial. Mais dans la minute qui suivait, il effaçait ce qu’on avait joué. » (rires)

Quincy fixait les deadlines même s’il n’y avait pas de problème d’argent en jeu.

Human Nature a été inspirée, comme on le sait désormais, par la fille de Steve Porcaro (elle revenait de l’école et a raconté à son père qu’un garçon la tapait et ne cessait de répéter « why, why »). Porcaro a enregistré une démo à partir de là (il nous joue quelques notes au synthé qui est devant lui). Il ne pensait pas la soumettre à Quincy Jones. Mais la démo s’est retrouvée sur une face B d’une cassette où se trouvaient des sons destinés à Quincy Jones. Quincy a laissé joué la cassette (les anciens qui me lisent, vous vous souvenez de la fonction auto-reverse des cassettes audio 😊 ?) et est tombé sur cette « Why why song ».

Porcaro n’a donc pas compris au début pourquoi Quincy lui a parlé de cette chanson. « J’étais investi en tant que musicien mais là c’était un titre en tant que compositeur qui a retenu l’attention. John Bettis a modifié les paroles car mes couplets n’étaient pas terribles et on a refait le morceau avec une tonalité plus haute. »

Steve Porcaro nous fait écouter sa démo avec la voix de Michael dans une tonalité plus grave.

Quincy Jones a également demandé à Steve Lukather d’ajouter une partie de guitare pour rendre le titre plus funky (ce que Steve Porcaro n’aimait pas au début) et il y a également un segment de synthé en hommage à Michael Boddicker.

La partie batterie contient aussi un petit élément emprunté à Shake Your Body des Jacksons (il faut vraiment le savoir pour le reconnaître !).

Steve Porcaro voulait vraiment le « why » comme un écho. Nous avons droit au multitracks et la voix de Michael résonne dans le studio.

Porcaro aurait voulu être avec Bruce Swedien dans le studio durant le mixage mais il était occupé à travailler sur les synthés du titre The Lady In My Life. Et Bruce Swedien ne tolérait pas grand monde dans le studio, avec lui, durant le mixage.

Steve Porcaro est arrivé dans l’équipe de Thriller vers la fin du travail sur l’album mais il a beaucoup travaillé avec Rod Temperton et est devenu ami avec plusieurs techniciens et musiciens.

Il raconte que Quincy demandait parfois des choses étranges. « Tu peux me rendre le son plus bouillant ? » ou « plus orange ? » Je ne comprenais rien à ce que voulait dire Quincy mais je répondais ‘Absolument’ » (rires)

Michael était, lui, impressionné par ce que faisait Steve Porcaro. Ils ont travaillé souvent ensemble dans le studio d’Hayvenhurst. Michael le surnommait Yada.

L’Après Thriller

« Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi dévoué à son Art » (Steve Porcaro à propos de Michael Jackson)

Steve Porcaro nous fait écouter Dream Away, un titre inédit de 4 :43 minutes. Michael n’arrêtait jamais de créer et le morceau a été composé une semaine après la sortie de l’album Thriller.

Steve Porcaro n’a jamais voulu sortir le titre par respect pour Michael. Il a été approché par l’Estate de Michael Jackson pour que ce titre fasse partie du projet Xscape en 2014 mais il a refusé, d’autant plus que l’Estate ne souhaitait pas investir financièrement dans cette chanson (Porcaro déteste l’album Xscape et pense que Michael n’aurait pas aimé les remixes).

[Plusieurs sites indiquent que c’est pour la chanson Chicago 45 que Steve Porcaro aurait été approché par l’Estate. Pourtant sur les notes que j’ai prises il en parle bien au moment où il évoque Dream Away. A confirmer donc]

Porcaro souhaiterait finir Dream Away et la proposer à un autre artiste actuel, Bruno Mars peut être.

L’écoute de Dream Away a été comme un moment suspendu dans le temps. Le titre, une ballade, est magnifique. La voix cristalline de Michael a envahi le studio l’espace de quelques minutes et c’était tout simplement magique. J’en ai eu des frissons sur tout le corps et je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Pour Michael et Steve Porcaro il s’agit d’une démo mais je trouve que c’est une démo très aboutie, qui aurait toute sa place sur un projet d’album. Un titre un peu dans l’esprit de Be Not Always, de l’album Victory, avec plus de mélodie. Je n’ai cependant pas souvenir d’avoir entendu « Dream Away » dans les paroles de la chanson.

(Un fan m’a fait remarqué que les paroles « Dream Away » étaient bien présentes dans le deuxième couplet.)

Mais même si j’aime beaucoup Bruno Mars, sa voix n’égalera jamais ce que nous avons entendu en studio. Ce titre doit rester avec la voix de Michael, je veux pouvoir réentendre ses « pa pa pa » finaux ! Gros coup de cœur pour ce morceau !

Steve Porcaro rappelle que Michael, bien au-delà de tous les ragots que l’on a pu entendre et qui ont fait oublier parfois l’artiste, était un chanteur incroyable. « Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi dévoué à son Art. Tous les jours, sans exception, à 15 heures, il avait ses cours de chant avec Seth Riggs. »

Environ un mois après l’album Thriller, un autre titre inédit a vu le jour, Chicago 1945. Steve Poracro a remis une cassette avec des instrus à Michael qui est allé dans une bibliothèque pour se renseigner sur les évènements qui avaient eu lieu à Chicago dans les années 40. Et il en a fait une chanson.

Un morceau de 5 :45 minutes  (mais Michael chante uniquement durant 5 :04 minutes, les dernières secondes, il n’y a rien) que Steve Porcaro nous a fait écouter. Il commence avec des sirènes de police, Michael qui répète trois fois « Chicago », puis la musique démarre.

Le titre est punchy, entraînant. On y entend parler d’Al Capone (mais rien à voir avec le morceau du même nom que nous avons entendu sur Bad 25) et Michael répète très souvent « Chicago Nights ». Cela aurait même pu être le titre de la chanson.

L’émotion est moins présente que sur Dream Away, il y a même une sorte d’excitation à l’idée d’entendre ce titre dont on a si souvent entendu parler. Les fans présents remuent la tête, tapent du pied (Steve Porcaro aussi !). C’est frais, ça bouge, ce morceau est une bombe !

Un fan de Toto fait remarquer que les accords de Chicago 45 rappellent le titre It’s A Feeling de l’album de 1982,  Toto IV.

Chicago 1945 est longtemps resté dans les archives de Steve Porcaro. Il pensait que le titre serait utilisé pour Bad 25. David Williams a dit à Porcaro que, selon lui, le titre a été retravaillé à un moment donné. « Le monde doit entendre ce titre, mais de la bonne manière », finit par dire Porcaro.

« Vous auriez du voir Michael faire les vocaux sur cette chanson. Il gérait tout spontanément, les harmonies, … Il a fait neuf prises complètes pour Chicago 1945. Après les neufs prises, il est rentré chez lui. C’était un pur génie ! »

Michael ne s’arrêtait jamais mais Steve Porcaro a eu besoin de faire un break et il n’a que peu participé à l’album Bad. Il a travaillé sur Liberian Girl et un peu sur I Just Can’t Stop Loving You, pour les cordes.

Les années 90

« Michael aurait déchiré sur cette chanson » (Steve Porcaro à propos du titre Change)

For All Time est une démo qui a été travaillée pour l’album Dangerous, bien qu’elle soit parue sur Thriller 25, en 2008. Elle a été écrite par Steve Porcaro et Michael Sherwood.

Porcaro explique qu’il conduisait et il a entendu à la radio le titre Daydream Believer, un morceau des Monkees de 1967. Il a retenu la partie synthé et la mélodie l’a inspiré pour For All Time. Il a réalisé une démo avec Michael Sherwood et a enregistré le titre avec la voix de ce dernier.

Il a aussi travaillé sur Beautiful Girl, Heal The World, Who Is It, Gone Too Soon.

Michael lui envoyait des tas de choses mais il ne savait pas toujours quoi en faire.

Puis il y a eu Stranger In Moscow. Michael et les musiciens se sont retrouvés à New York pour travailler pendant un mois sur le morceau, David Paich à la basse, Steve Lukather à la guitare, Steve Porcaro au synthé.

Steve Porcaro a aussi participé à Earth Song, You Are Not Alone et Little Susie, qui a été retravaillée avec un changement de tonalité.

Après la pause autographes (et un petit cadeau de l’équipe d’On The Line!) et photos  des participants avec l’homme du jour – des photos qui seront diffusées par l’association On The Line prochainement –  Steve Porcaro est revenu avec quelques démos.

On entend notamment la démo de For All Time de 4 :30 minutes, avec la voix de Michael Sherwood et Michael dans les chœurs et Change, un morceau créé par Steve Porcaro pour Michael, quelques jours avant sa disparition en 2009.

Michael Sherwood et un ami de Steve ont posé leur voix sur ce titre qui martèle « who’s gonna change the world ». « Michael aurait déchiré sur cette chanson », affirme Porcaro.

Pour la plus grande joie de tous, Steve Porcaro a rediffusé Dream Away et Chicago 1945. La fin d’un beau séminaire en beauté, même si on avait tous repéré sur son ordinateur deux autres titres que l’on espérait entendre : Get Your Back et Just For Now 😉

Steve Porcaro s’est prêté au jeu, avec gentillesse, toute l’après-midi, a fait preuve de beaucoup d’humilité malgré son extraordinaire carrière, et on l’a senti heureux de pouvoir partager ses souvenirs.

Reste qu’il est très frustrant pour les fans – en tout cas pour la fan que je suis – de ne pouvoir réentendre ces morceaux. Les entendra-t-on à nouveau un jour d’ailleurs ? Aura-t-on un jour un Estate qui fera un projet digne de la star dont il gère l’héritage ?

Pour l’instant, on ne peut que remercier l’Association On The Line de continuer de nous faire rêver avec ce genre d’évènements où l’on se retrouve toujours tous avec plaisir et où on en prend plein les oreilles. See you next time !

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