Les Jackson 5,  Ses relations professionnelles

Michael Jackson et la Motown: Berry Gordy

Qui ne connait pas l’histoire des Jackson 5, un petit groupe de Gary, Indiana, rendu célèbre par la Motown à la fin des années 60 ? L’audition des frères Jackson, en juillet 1968, par la maison de disques est le moment déterminant de la carrière des Jackson 5 qui, bien qu’ayant une certaine réputation dans le circuit, n’avaient jusqu’alors gagné que des concours de talents.

Motown c’est un homme : Berry Gordy. Michael Jackson et ses frères lui doivent beaucoup et Michael gardera avec le président de son premier label des relations respectueuses, amicales et surtout indéfectibles.

Berry Gordy et la Motown

Berry Gordy est né le 28 novembre 1929 à Detroit, dans le Michigan. Ses parents, originaires de Georgie ont fui le Sud, comme beaucoup de familles noires à l’époque, afin d’échapper à la ségrégation et pour refaire leur vie dans ce qui est alors la ville du développement industriel, celui de l’automobile plus particulièrement. Jusque dans les années 30, Detroit était ainsi surnommée Motor Town.

Berry Gordy Sr, le père, inculque à ses huit enfants le sens de la famille et du labeur, des valeurs que Berry Gordy Jr appliquera à la lettre pour réussir. Le jeune Berry Gordy a deux passions dans sa jeunesse : la musique et la boxe. S’il se distingue, à l’âge de 19 ans dans la boxe, c’est dans la musique qu’il fera carrière.

Très tôt, il compose des chansons et en 1953, il ouvre, avec quelques économies et un emprunt auprès de son père, un magasin de disques de jazz. Mais la mode est au Rhythm’n’blues (bientôt suivie du Rock’n’ Roll) et Gordy est obligé de fermer son magasin au bout de deux ans. « Cette expérience infructueuse lui ouvre les yeux. Il comprend la nécessité de vendre une musique en rapport avec les aspirations plus prosaïques d’une classe laborieuse assez éloignée des aspirations esthétiques et spirituelles du jazz de l’époque. » (1)

En 1957, Gordy rencontre Jackie Wilson qui, au cours de cet été là, va enregistrer Reet Petite, une chanson que Gordy a co-écrite avec sa sœur Gwen et Billy Davis, le fiancé de celle-ci. Le titre est un succès et Jackie Wilson continuera d’enregistrer et de faire connaître les chansons de Gordy, dont Lonely Teardrops, en 1958. Dès lors, ce dernier s’intéresse à toutes les étapes de la production d’un disque. Ses petits boulots dans les usines de chaînes de montage automobiles lui permettent de se créer une devise : « Créer, fabriquer, vendre ». « D’abord trouver une histoire, ensuite l’écrire, l’enregistrer et la produire. Puis il s’agit de faire presser le disque. Enfin, il faut en vendre le maximum de copies. » (1)

En janvier 1959, sous la pression de Smokey Robinson, rencontré en 1957, Gordy créé le label Tamla. Come To Me de Marv Johnson est le premier single à être produit par la maison de disques dont le nom a été inspiré par la chanson Tammy du film Tammy and The Bachelor (1957), interprétée par Debbie Reynolds. Il créé également sa compagnie d’éditions musicales, Jobete (du nom de ses trois premiers enfants, Hazel Joy, Berry et Terry).

The Matadors est le premier groupe à signer sur le label. Le leader du groupe qui change son nom en The Miracles est Smokey Robinson, qui, au milieu des années 60, deviendra le vice-président de la maison de disques.

En 1959 également, Gordy achète, au 2648 du West Grand Boulevard à Detroit, un bâtiment qui deviendra le quartier général de la Motown (une contraction de Motor et Town), la compagnie créée par Berry Gordy en 1960, et qui prendra très vite le surnom de Hitsville USA. Les maisons autour deviendront aussi la propriété de Gordy afin de développer son entreprise.

En 1961 le trio de d’auteurs-compositeurs Brian Holland, Lamont Dozier et Eddie Holland rejoint la Motown et durant plusieurs années, ils vont écrire les succès des artistes de la maison de disques.

A la fin des années 60, souffrant du départ de Holland, Dozier et Holland, l’empire Motown commence à décliner. Les artistes quittent les différents labels créés par Gordy pour d’autres maisons de disques. En 1971, Berry Gordy déménage complètement son entreprise à Los Angeles et se lance dans les émissions de télévision, les films et les comédies musicales.

Jusqu’au début des années 80, Motown reste tout de même un label important avec des artistes tels que Diana Ross, Marvin Gaye, Stevie Wonder, The Commodores et Rick James.

En 1985, Esther Gordy Edwards, la sœur de Berry, ouvre, dans le bâtiment Hitsville, qui a vu naître la maison de disques, le Motown Historical Museum.

Le 21 octobre 1987, l’état du Michigan désigne le bâtiment d’origine comme site historique et le Detroit City Council renomme une partie du West Grand Boulevard en Berry Gordy Jr. Boulevard.

En juillet 1988, Gordy vend Motown Records à MCA et Boston Ventures pour 61 millions de dollars. Boston Ventures qui rachètera plus tard les intérêts de MCA, revendra Motown Records à Polygram, en 1993, pour 325 millions de dollars. Berry Gordy est intronisé au Rock and Roll Hall of Fame la même année.

Motown n’aura finalement jamais renoué avec son succès des années 60, cette musique que Gordy voulait pour séduire le plus grand nombre, aussi bien les Blancs que les Noirs.

Motown n’est plus aujourd’hui. Certains de ses artistes ne sont plus là non plus : Michael Jackson, Marvin Gaye, David Ruffin and Eddie Kendricks des Temptations, Levi Stubbs des Four Tops, Florence Ballard des Supremes. A 87 ans, Berry Gordy est lui toujours présent pour témoigner de ce qu’a été « The Sound of Young America » et qui est immortalisé à Detroit, dans le studio et les sept maisons adjacentes qui restent aujourd’hui « le plus grand leg culturel » (1) de la ville, le symbole du rêve américain.

Michael Jackson et Berry Gordy

23 juillet 1968, les Jackson 5 auditionnent pour la Motown. Une audition qui a failli ne pas avoir lieu, Gordy ne voulant pas avoir à s’occuper d’autres enfants, après Stevie Wonder. Il n’est d’ailleurs pas présent ce jour-là, au grand damne de Joe Jackson, et visionnera l’enregistrement de l’audition peu après. Mais devant le potentiel du groupe, il ne peut que s’incliner.

Berry Gordy promet aux frères Jackson que leurs trois premiers titres seront des numéros un. Il se trompera, leurs quatre premiers titres se hisseront en tête des hits parades : « Je me souviens que Berry Gordy nous a tous fait assoir et il nous a dit qu’on allait écrire une page d’histoire tous ensemble. « Je vais faire de vous les plus grandes stars du monde, et on parlera de vous dans les livres d’histoire. » C’est exactement ce qu’il nous a dit. Et nous en entendant ça, on a sauté de joie en criant : « Ouais ! Okay ! » Je n’oublierai jamais ce moment. Il nous avait tous invités chez lui comme si nous étions en train de vivre un vrai conte de fées. Nous écoutions cet homme, bourré de talent, tellement puissant, nous prédire un succès hors du commun : « Votre premier disque sera numéro un, votre second disque sera numéro un et votre troisième disque aussi. Trois tubes d’affilée !…. Vous serez au top de tous les palmarès, comme Diana Ross et les Supremes l’ont été. Personne ne disait des choses pareilles à l’époque, mais il avait raison, c’est exactement ce qui est arrivé », se souvient Michael Jackson. (2)

Lorsque Gordy envisage, dès 1969, d’installer Motown à Hollywood, il fait venir le groupe à Los Angeles, réalisant ainsi le vœu de Joe et Katherine de s’installer en Californie. Il prend lui-même en charge le groupe, avec Suzanne de Passe, et lorsque sort I Want You Back, le premier single des Jackson 5, en septembre 1969, la carrière des frères Jackson est lancée, plongeant le jeune Michael dans une célébrité qui ne retombera jamais.

Après plusieurs années de succès et le début d’une carrière en solo pour Michael, le groupe décide de quitter Motown en 1975. C’est Michael qui annonce à Gordy la décision du groupe de partir. Ils deviennent alors The Jacksons, le patron de la Motown étant propriétaire du nom Jackson 5. Michael gardera cependant un immense respect et un très grand attachement à celui qui les a rendus célèbres. « J’ai demandé un rendez-vous avec Berry Gordy pour lui parler. C’est moi qui lui ai dit que nous tous, les Jackson 5, allions quitter la Motown. Je suis allé le trouver et face à face, je lui ai dit la vérité et ça a été une des choses les plus pénibles que j’aie jamais faites. (….) Il faut vous rappeler que j’aime Berry Gordy. Je pense que c’est un génie, un des géants dans ce domaine. Je n’ai que du respect pour cet homme brillant, mais ce jour-là, j’étais comme un lion. (….) Mais c’est moi qui avais raison. Berry était en colère. Ce fut une rencontre très pénible, mais nous sommes redevenus amis aujourd’hui, et il est encore comme un père pour moi, fier de moi et de mes succès. En tout cas, j’aimerais toujours Berry parce qu’il m’a appris les choses les plus précieuses que j’ai eu l’occasion d’apprendre dans mon métier. (….) Je serai éternellement reconnaissant à Berry d’avoir présenté notre groupe au public. Ma vie n’aurait pas été la même sans lui. C’est Motown qui nous a aidés à percer et c’est chez eux que nous avons nos racines », écrit Michael Jackson en 1988 (2).

En 1977, c’est d’ailleurs Motown qui lui propose d’accéder à son rêve de cinéma, avec The Wiz, en lui offrant le rôle de l’épouvantail.

En 1983, Michael Jackson est alors en pleine gloire, en solo, avec son album Thriller. Avec l’émission célébrant les 25 ans de la Motown, Motown 25: Yesterday, Today, Forever,  enregistrée le 25 mars et diffusée le 16 mai, Berry Gordy va à nouveau, sans le savoir, jouer un rôle important dans la carrière de son ex-poulain. Au cours de la soirée, Michael interprète, avec l’accord de Gordy, Billie Jean, qui n’est pourtant pas un des succès de Michael sous le label Motown. Il réalise alors son premier Moonwalk. C’est le triomphe, ce pas de danse lui sera à jamais associé et il obtient alors la reconnaissance non seulement du public mais également celle des artistes et surtout celle de l’une de ses idoles, Fred Astaire. Ce soir-là, « il est entré en orbite et n’est jamais redescendu » (Berry Gordy, 7 juillet 2009).

Les chemins de Michael et Gordy se croiseront régulièrement au cours des années (BMI Award en 1990, The Jackson Family Awards en 1994, l’anniversaire du Révérend Jesse Jackson en 2007, …), Gordy étant présent pour Michael lors de remise de récompenses ou en coulisses de ses concerts tandis que Michael apporte son soutien à son ancien mentor dans certains de ses projets.

Ainsi, le 23 octobre 1988, au cours d’une apparition publique assez rare, Michael Jackson est à Detroit pour faire un don de 125 000 dollars au Motown Museum Historical Foundation (le chèque est remis à Berry Gordy, le fondateur du musée et à Esther G. Edwards, la sœur de Gordy et la présidente) afin de financer le fonctionnement du musée. Il s’agissait alors du montant le plus élevé jamais versé depuis la création du musée trois ans plus tôt.

Michael offre également pour une exposition dans les anciens bâtiments de Hitsville, trois objets de sa collection personnelle : un gant en strass brillant, un fedora noir et un costume de scène datant de 1972.

Berry Gordy en profite également pour faire le tour du musée avec Michael.

Ce dernier est de retour au musée, le 4 août 1998, avec Stevie Wonder, pour une visite inopinée. C’est Esther Edwards qui leur fera cette fois-ci la visite.

Le 6 mai 1997, Berry Gordy est aux côtés des Jackson 5 alors qu’ils sont intronisés au Rock and Roll Hall of Fame, le célèbre Panthéon de la célébrité de Cleveland. Michael ne manque pas de lui rendre hommage une fois de plus pour tout ce qu’il a fait pour la carrière du groupe.

En 2009, la Motown fête ses cinquante ans. Mais l’année 2009 restera pour beaucoup marquée par la disparition de Michael Jackson. Choqué, Berry Gordy lui rend hommage et se souvient alors de l’artiste et de l’homme qu’il a connu.

« Je suis choqué, je n’ai pas de mot. C’est comme un rêve, un mauvais rêve. Ca ne peut pas être vrai ! Comment Michael ne peut plus être ici ? Comme un enfant, Michael a toujours vécu dans un monde à part. Il avait un jugement sur lui-même qui était incroyable. La première fois que je l’ai entendu chanter la chanson de Smokey, Who’s Lovin’You, à 10 ans, c’est comme si il avait connu et vécu cette chanson depuis 50 ans. Quelque part, avec cette première rencontre avec lui, il avait une faim d’apprendre, une faim qui lui permettrait d’être le meilleur et il était disposé à travailler durement et aussi longtemps que nécessaire.

Je n’avais aucune inquiétude sur ses capacités à monter vers le haut. Il était comme mon fils. Il avait la chaleur, la sensibilité et deux personnalités bien distinctes. Quand il n’est pas sur scène, il est affectueux, respectueux et timide. Quand il était sur scène, il déployait une telle énergie que vous ne sauriez pas le reconnaitre, ce n’était plus la même personne.

Michael était et restera l’un des plus grands artistes de tous les temps. Il a été exceptionnel, artistique et original. Il a donné au monde son cœur et son âme à travers sa musique. » (3)

Gordy est bien sûr présent au mémorial du Staples Center le 7 juillet 2009, aux côtés de Katherine Jackson et des enfants de Michael, délivrant un discours où il évoque le jeune Michael et ses débuts avec ses frères à la Motown. Il finit son discours en disant : « En fait plus je pense et je parle de Michael, plus je pense que le terme King of Pop n’est pas assez pour lui. Je pense qu’il est simplement le plus grand artiste ayant jamais existé. Michael, merci pour la joie. Merci pour l’amour. Tu vivras éternellement dans mon cœur. Je t’aime. »

Il compte également parmi les invités, triés sur le volet, à Forest Lawn le 3 septembre 2009, avec Suzanne de Passe.

Berry Gordy et Michael Jackson ont entretenu durant plus de quarante ans une relation professionnelle basée sur un respect et une admiration mutuels. L’un n’aurait pas pu exister sans l’autre, mais l’autre lui doit beaucoup…. Une relation que les années ont transformé en amitié qui n’a jamais failli malgré les épreuves.

Sources : (1) Motown Soul & Glamour/ (2) Moonwalk, Michael Jackson/ (3) MJFrance 

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