Influences

Michael Jackson sur les pas de Charlie Chaplin

Lorsqu’il a neuf ans, en 1967, Michael Jackson réalise un portrait de Charlie Chaplin, le premier d’une longue série. Il ne se doutait pas alors que sa future carrière allait ressembler étrangement à celle de son idole.

Charlie Chaplin

Charles Spencer Chaplin dit Charlie Chaplin est né à Londres le 16 avril 1889, sur East Street, dans le quartier de Walworth. Ses parents, Charles et Hannah, artistes de music-hall vivent dans un milieu pauvre. Son père, alcoolique, quitte sa mère quelques mois après la naissance du jeune Charles. Hannah élève seule Sydney, le frère aîné de Charles et ce dernier. Mais après avoir donné naissance à un troisième enfant, Wheeler, issu de sa relation avec un organisateur de spectacle qui la quitte en emmenant l’enfant avec lui, la jeune femme sombre dans la dépression et l’extrême pauvreté.

A cinq ans, Charlie est projeté sur une scène en remplacement de sa mère, qui perd sa voix et ne peut plus assurer son numéro. C’est un succès. Il chante et amuse le public : « Ce soir là marqua ma première apparition sur scène et la dernière de ma mère », écrit Chaplin dans son autobiographie en 1964 (1)

Charlie ne remontra sur scène qu’en 1903, à l’âge de 14 ans. Une agence artistique lui offre son premier rôle dans une pièce de théâtre qui n’aura pas beaucoup de succès. Mais la performance comique du jeune homme est remarquée par les critiques et il enchaîne les petits rôles dans des compagnies. En 1908, son frère Sydney le fait entrer dans la prestigieuse troupe comique de Fred Karno qui l’entraînera, en 1910, dans une tournée en Amérique du Nord de presque deux ans. Un article anonyme de 1911 le décrit ainsi : « Le plus grand interprète des scènes d’ivresse et le plus grand acteur du vaudeville est le plus tranquille des hommes et le plus réservé, sauf avant, pendant et après une représentation. En cette circonstances, qui se répète trois fois par jour, il donne l’impression d’entrer de tout cœur et avec toute son âme dans l’esprit de création, et c’est alors l’homme le plus génial qui se puisse rencontrer. Puis il se replie et retourne à sa réserve, s’assied tranquillement et pense, pense, pense … ou bien s’absorbe dans la littérature la plus pesante qui soit, de préférence la philosophie. On dit que dans une petite ville où il n’a trouvé aucun livre à son goût, il acheta une grammaire latine et la dévora comme si c’était un roman modern ». (2) Un aspect qui n’est pas sans rappeler Michael Jackson, un grand timide avide de connaissances et collectionneur de livres qui sait enflammer les foules dès qu’il met le pied sur scène. « Je voulais savoir », écrit Chaplin, « non pas pour amour de la connaissance, mais pour me défendre contre le mépris dans lequel le monde tient les ignorants ». (1)

La New York Motion Picture Company lui offre son premier gros contrat et son engagement à Hollywood en 1913. Son personnage du vagabond (The Tramp) se dessine dans son deuxième film, L’Étrange Aventure de Mabel (Mabel’s Strange Predicament), et puis dans Charlot est content de lui (Kid Auto Races at Venice, Cal.), en février 1914. Il adopte alors définitivement ce personnage : « Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J’ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n’avais aucune idée du personnage mais dès que je fus habillé, les vêtements et le maquillage me firent sentir qui il était. J’ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né » (1). Le personnage est donc né et le succès avec.

En 1918, il était devenu l’une des personnalités les plus connues au monde. Perfectionniste, en plus de son rôle d’acteur, il se met à la réalisation et développe ses talents en travaillant avec les sociétés de production Essanay, Mutual et First National.

En 1919, Chaplin cofonde la société United Artists et obtient ainsi le contrôle total sur ses œuvres. Parmi ses premiers long-métrages figurent Le Kid (The Kid, 1921), La Ruée vers l’or (The Gold Rush, 1925) et Le Cirque (The Circus, 1928). Il refuse de passer au cinéma sonore et continue de produire des films muets dans les années 1930, comme Les Lumières de la ville (City Lights, 1931) et Les Temps modernes (Modern Times, 1936). Ses œuvres deviennent ensuite plus politiques avec notamment Le Dictateur (The Great Dictator, 1940) dans lequel il se moque d’Adolf Hitler.

Sa popularité décline dans les années 1940 en raison des controverses concernant ses liaisons avec des femmes bien plus jeunes et un procès en reconnaissance de paternité. Chaplin est également accusé de sympathies communistes et les enquêtes du FBI et du Congrès lui font perdre son visa. Il choisit de s’établir en Suisse en 1952 où il finira sa vie. Il abandonne son personnage de Charlot dans ses derniers films dont Monsieur Verdoux (1947), Les Feux de la rampe (Limelight, 1952), Un roi à New York (A King in New York, 1957).

Le comédien s’éteint le matin du Noël 1977, à l’âge de 88 ans, dans son manoir de Ban, à Corsier-sur-Vevey (où il est inhumé), sur les bords du Lac Léman en Suisse. 

Avec plus de 80 films à son actif, Charlie Chaplin reste une référence et un modèle. Son personnage de Charlot fait désormais partie de l’histoire culturelle. En 1998, le critique Andrew Sarris écrivait que Chaplin est « sans doute le plus grand artiste que le cinéma ait créé, certainement son interprète le plus extraordinaire et probablement encore son icône la plus universelle » (3)

Le Vagabond dans la carrière de Michael Jackson

L’admiration évidente du jeune Michael Jackson pour Charlie Chaplin ne cessera de se retrouver tout au long de sa vie d’artiste. Sa vie, son œuvre, le personnage, le King of Pop apprendra tout de The Tramp. Il est son inspiration.

Preuve en est de cette œuvre de Nate Giorgio, Heroes – The Last Supper, regroupant les grands hommes qui l’ont inspiré et ont marqué l’histoire, accroché au dessus de son lit, dans sa chambre de Neverland. Charlie Chaplin fait partie d’un de ces « Heroes » .

« If I could work with anybody it would be Charlie Chaplin, who I love so much », déclare Michael à Gold Magazine en décembre 2002 (« Si je pouvais travailler avec n’importe qui ce serait Charlie Chaplin, que j’aime tellement »).

En 2003, dans ses Private Home Videos (à 49:40 dans la vidéo ici), Michael exprime clairement cette admiration pour celui qui a créée Charlot, une inspiration qui n’a pas failli avec les années:  « I love great talent. People like Chaplin, I mean, God, how could you not admire his genius? He was the king of pathos. I mean, he knew how to touch your heart, and he knew how to make you laugh and cry at the same time. I mean, he was the master of that. And I find some of that in what I do. I relate to him. I sometimes feel like I am him » (« J’adore les grands talents. Des gens comme Chaplin, mon Dieu comment ne peut-on pas admirer son génie? Il était le roi du pathos. Je veux dire, il savait comment toucher votre cœur et il savait comment vous faire rire et pleurer en même temps. Il était le maître dans ce domaine. Et je retrouve un peu cela dans ce que je fais. Je me sens lié à lui. Parfois j’ai l’impression d’être comme lui « )

Il connait certes son œuvre sur le bout des doigts mais il est surtout fasciné par la capacité à toucher le cœur d’autant de personnes… un aspect que le chanteur s’attachera à réaliser aussi.

Michael Jackson n’a pas fait qu’exprimer l’inspiration qu’a été pour lui Charlie Chaplin dans des dessins….

… il a, à plusieurs reprises, endossé le costume de Charlot pour rendre hommage à son idole. Ainsi en 1978, lors de l’enregistrement de son album solo Off The Wall au studio Allen Zentz à Los Angeles, le photographe Bobby Holland est embauché pour réaliser des photos publicitaires de Michael Jackson et de son producteur Quincy Jones travaillant en studio. Un jour, Michael est arrivé en studio habillé comme Charlie Chaplin. « De la tête aux pieds. Il était maquillé aussi. La totale. Et il a travaillé ainsi. Personne n’en a fait plus de cas que ça. Imaginez Charlie Chaplin s’éclatant sur « Don’t Stop ‘Til You Get Enough », avait expliqué Holland au journaliste musical Steven Ivory.

Un an plus tard, en février 1979, alors qu’il est en tournée à Londres avec ses frères pour le Destiny Tour, Michael demande au photographe britannique, Tony Prime, de lui montrer les endroits où Charlie Chaplin avait vécu. « Jackson était fasciné par la vie de Chaplin et voulait savoir tout ce qu’il était possible de savoir sur l’endroit où le comique avait grandit ». Avant un passage par le musée de Madame Tussaud, où Michael posera auprès de la statue de Charlot, …

… le photographe le conduit donc en voiture dans les quartiers londoniens où Chaplin avait passé son enfance. Michael a alors voulu s’habiller comme Charlot et poser devant la maison où son idole était née en 1889. Le chanteur est conduit dans une boutique pour y acheter les vêtements et Tony Prime réalise le photoshoot : « C’était un moment magique. Nous avons passé quelques heures à nous amuser et les photos le montrent bien ». Michael a gardé les photos pour lui et ils ne se sont jamais revus.

Les photos ont, en réalité, été réalisées non loin de East Street, dans une rue parallèle, au 38 Freemantle Street. La rue n’a pas beaucoup changé depuis le passage de Michael.

Une des séries de photos est directement inspirée du court métrage de Charlie Chaplin, Charlot Policeman (Easy Street), sorti en 1917. On y aperçoit Charlot, vagabond, au tout début du film recroquevillé contre le mur d’une mission de bienfaisance, tiré de son sommeil par la voix d’une chanteuse.

Le 16 avril 1983, à l’occasion du 94ème anniversaire de Charlie Chaplin, Michael et l’acteur tunisien, sosie de Charlie Chaplin, Samir Kamoun rendent hommage à leur idole. Ils se retrouvent à Encino, la propriété de Michael, et se déguisent tous les deux en Charlot pour un photoshoot. A cette occasion, Michael déclare : « This is in memory of a great man who has touched the hearts of the world with his art of making people laugh and cry. You will always be in my heart. I love you, Charlie Chaplin ». (« C’est en mémoire d’un grand homme qui a touché le cœur du monde avec son art de faire rire et pleurer les gens. Tu seras toujours dans mon coeur. Je t’aime, Charlie Chaplin »)

En juin 1995, Michael Jackson sort son double album HIStory. On y retrouve sur le deuxième CD, le titre Smile, inspiré de la musique du film de Chaplin de 1936, Les temps modernes (Modern Times). A l’origine, une version instrumentale écrite par Chaplin, les paroles ont été rajoutées par John Turner et Geoffrey Parsons en 1954, basées sur les phrases et le thème du film. Nat King Cole est le premier à l’interpréter la même année.

Michael décide de reprendre ce qu’il considère comme l’une de ses chansons préférées, ainsi que l’explique David Foster, le producteur du titre : « Michael me disait souvent que Smile était un de ses enregistrements favoris. Je me souviens que nous étions en studio et je lui ai proposé l’idée d’avoir le son d’un vieux piano pour la fin de la chanson, comme dans un vieux cinéma, avec le son qui disparaitrait doucement. Michael me dit que cela irait parfaitement avec le short film qu’il avait prévu pour le titre. Il s’éloignerait de la caméra comme le faisait Charlie Chaplin à la fin de ses films. Il adorait Chaplin, il disait qu’il se retrouvait en lui ». (4)

Enregistré en mars 1995 aux studios Hit Factory de New York, la chanson a été réalisée en une seule prise, en live avec un orchestre. Le titre était prévu pour être le dernier single de l’album en décembre 1997 mais a été annulé par Sony. Des copies promo ont cependant vu le jour et font aujourd’hui l’objet de la convoitise des fans, à des prix exorbitants.

La couverture du single représente Michael déguisé en Charlot, avec à ses côtés un enfant, et est inspirée par une photo publicitaire du film The Kid en 1921, où Charlie Chaplin pose avec l’enfant qui joue avec lui, Jackie Coogan.

Steve-Paul Whitsitt est le photographe qui a réalisé le photoshoot en 1994. Dans The Official Michael Jackson Opus, paru en décembre 2009, où il dévoile pour la première les photos, et sur son site, il évoque cette séance : « Fin 1994, je me rendais régulièrement à New York pour faire des séances de photos avec Michael aux studios Sony Music. Parfois, je prenais l’avion le jeudi et je restais jusqu’au lundi ou mardi, la séance étant le samedi ou le dimanche. Il m’arrivait de temps en temps de rester toute la semaine et de faire des séances photos deux week-ends consécutifs. Une fin d’après midi, j’étais à mon hôtel quand le téléphone a sonné, « Restez en ligne, c’est Michael » ……… J’ai alors entendu sa voix : « Steve tu peux venir à l’appartement, je voudrais te parler? » « Bien sûr Mike, je serai là dans une demi-heure ». J’ai traversé les quelques blocs qui me séparaient de la Trump Tower où Michael séjournait pendant l’enregistrement de HIStory. Quand je suis arrivé à l’étage de Michael, son chef m’a laissé entrer et m’a rapidement dit au revoir en nous laissant seuls tous les deux. Après quelques minutes de bavardage Michael s’est mis à parler boulot: « Steve, est-ce que tu connais la chanson Smile ?
« Je pense que oui Michael, mais je ne suis pas sûr … .. »
« Je vais te la chanter…. »
Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut savoir que je suis né et que j’ai grandi dans une petite ville au nord de Detroit, dans le Michigan. Je n’avais jamais prévu d’aller très loin ou de faire grand-chose dans ma vie. Bien que je travaillais comme assistant pour le photographe personnel de Michael depuis 3 ans, mon évolution était arrivée un peu vite. J’avais eu des conversations avec Michael, et et je me sentais à l’aise dans nos relations de travail , mais à ce moment là j’étais redevenu un gamin de Port Huron, dans le Michigan et cet homme était en train de chanter une chanson pour un seul public. Moi. Ce n’était pas seulement le fait qu’il chantait pour moi, c’était l’étonnante clarté absolue de sa voix a capella. Les poils sur mes bras se hérissaient, j’en étais ému jusqu’aux larmes. Cela n’a duré que quelques minutes et quand il eut fini, Michael m’a demandé si je connaissais l’histoire de la chanson. J’ai retenu mon souffle quelques secondes puis j’ai marmonné une sorte de réponse. Pendant quelques heures, Michael m’a alors tout appris sur Charlie Chaplin, et plus particulièrement sur son film The Kid, sur Jackie Coogan, l’enfant qui jouait avec Chaplin dans le film, et comment les expériences de Jackie ont conduit à toutes les lois qui existent maintenant pour protéger les enfants acteurs. Michael était une mine d’informations. Nous avons discuté de la façon dont nous voulions aborder la séance photos pour la couverture du single, et nous nous sommes mis d’accord sur quelques concepts. Les semaines qui ont suivi ont été consacrées à la préparation du plateau, au casting, et à s’occuper de tous les détails pour mettre sur pied cette séance. Michael n’a pas eu besoin de me dire qu’il attendait la perfection sur ce tournage. Il me l’a inspiré quand il a chanté la chanson. Nous étions tous deux heureux du résultat ».

Plusieurs photos seront issues de ce shooting, non seulement inspirées de The Kid….

…mais aussi d’Une vie de chien (A Dog’s Life, 1918).

La même année, Michael réalise avec Jonathan Exley un autre photoshoot, cette fois-ci dans l’esprit des Temps modernes (Modern Times).

Un short film était également prévu pour accompagner la chanson Smile et aurait commencé à être tourné, mais les images restent inédites puisque le single a été annulé quelques jours avant la date de la sortie. Certains avancent l’hypothèse que Michael, déguisé en Charlot aurait été intégré à des scènes du film Le vagabond (The Tramp, 1915), d’autres supposent qu’il aurait pu danser avec Chaplin dans sa « nonsense song » dans Modern Times ….

L’annulation de la sortie serait d’ailleurs venue d’une opposition de l’Estate de Charlie Chaplin qui voyait plutôt d’un mauvais œil qu’un film de Charlot soit détourné ainsi.

Smile restera à jamais comme la chanson que Michael aimait par-dessus tout, lui rappelant son idole. Jermaine Jackson rendra un dernier hommage à Michael lors de la cérémonie au Staples Center, le 7 juillet 2009, en interprétant le titre sur scène, ce que le King of Pop n’a jamais pu faire.

On Charlie Chaplin’s footsteps : rencontre avec la famille de Chaplin

Michael n’a jamais eu l’occasion de rencontrer son idole, décédée en 1977. Après avoir repéré les lieux de son enfance lors de son passage à Londres en 1979 (voir plus-haut), il aura la chance, en juin 1988, alors qu’il est en tournée en Europe avec son Bad Tour, d’être accueilli par la veuve de Chaplin, Oona, dans le manoir suisse que l’acteur anglais avait habité jusqu’à sa disparition.

C’est Geraldine Chaplin, la fille de Charlie et Oona, qui est à l’origine de cette rencontre. Michael, qui l’avait rencontrée lors d’un de ses concerts, lui avait avoué toute l’admiration qu’il avait pour son père. Jane Chaplin, une autre des filles du couple, a d’ailleurs raconté que son demi-frère Sydney, l’avait rencontré également aux Etats-Unis. « A son retour en Europe, il confia à ma mère l’incroyable adoration de Michael Jackson pour mon père. Il raconta que le chanteur lui avait même pris la main et déposé un baiser dans la paume. Sydney avait été très surpris et maman fut ravie et touchée de cette adulation » (5)

Rolf Knie, producteur de cirque et ami de la famille, met sur pied cette visite (voir ici):  « Nous avons discuté et nous sommes allés dans le bureau de Charlie Chaplin. Nous avons regardé les récompenses et les Oscars de Charlie et nous avons pris des photos avec les Awards dans nos mains. (Michael a alors posé avec deux des oscars de Chaplin). Tout cela dans une atmosphère détendue. J’ai demandé à Oona si je pouvais descendre aux archives avec Michael. Nous y sommes allés et on a regardé les bobines originales des films de Chaplin, des livres et des affiches. J’ai rarement vu quelqu’un qui d’aussi surexcité que Jackson. (….) Il connaissait chaque livre et chaque film. Il disait: « Regardez ces livres … la plupart des livres ont été écrits sur lui. Au cours de sa vie, il était sept fois plus connu que Jésus-Christ ». Il savait simplement tout « , explique Rolf Knie dans un entretien au site jackson.ch .

Geraldine Chaplin évoque aussi cette visite en 2013 au Vanity Fair espagnol : « Oui, Michael Jackson est venu à la maison parce qu’il voulait voir où Charles Chaplin avait vécu. Mon père était déjà décédé à l’époque. Et il est tombé amoureux de ma mère! Elle était ravie. Il était comme un papillon qui illumine votre jardin! Je me souviens aussi de la première fois que je l’ai vu à Madrid, lors de son concert. Et des années plus tard, il nous a tous invités pour son anniversaire à son domicile de Los Angeles, pour une fête incroyable. Il a payé tous nos billets d’avion ».

Michael dira de cette visite au manoir de Chaplin qu’ « il venait de réaliser un de ses rêves d’enfant ». Oona lui fera parvenir en cadeau à son ranch de Neverland deux cygnes blancs.

En janvier 1997, Michael est à Montreux pour finir l’enregistrement de son album Blood On The DanceFloor. Durant ces quelques jours en Suisse, il est invité à diner au manoir de Corsier-sur-Vevey par la famille Chaplin. Il en profitera pour se rendre sur la tombe de Charlie et de Oona, décédée en 1991.

Laura Chaplin, la petite fille de Charlie (et fille d’Eugène, l’un des fils de Charlie et Oona) explique au site lematin.ch que « Michael Jackson est venu trois fois au manoir, il était comme un enfant. J’avais à peu près 12 ans lorsque Michael Jackson est venu au manoir. Par la suite, il m’appelait quasiment tous les jours pour papoter. Il m’envoyait des cadeaux d’anniversaire incroyables. Des cartons énormes. Je suis montée sur scène avec lui à Genève. C’était un grand ami de la famille ». Lors de sa première visite, Michael avait atterri en hélicoptère dans le jardin du domaine. « J’étais assez impressionnée », dit Laura. « Nous avions neuf chiens et il en avait peur. Nous avons dû les enfermer avant qu’il n’arrive ». Au moment de manger, en voyant la grande table, Jackson alla s’asseoir avec les enfants. « Il était très timide. Il faisait des pirouettes dans le jardin. On jouait à la PlayStation. C’était un grand gamin. « Smile », composé par mon grand-père était l’un de ses titres préférés ». 

S’identifier à Charlie Chaplin ?

Michael Jackson s’identifiait-il à Charlie Chaplin ? Ce qui est sûr c’est que leur vie et leur carrière ont beaucoup de points communs et le King Of Pop s’est très largement inspiré de celui qu’il appelait le King of Pathos dans son art. « Learn from the Greats and then, become greater » disait-il.

« Mon enfance s’est arrêtée à l’âge de sept ans ». Une remarque de Charlie Chaplin, évoquant son enfance difficile à l’assistance publique, après qu’il eut été retiré à sa mère, qui fait indéniablement penser à Michael Jackson, qui dès l’âge de cinq a été propulsé dans le milieu de la chanson. Il n’en fallait pas plus pour que Michael s’identifie, émotionnellement en tout cas, à son idole, d’autant que tous les deux auront une enfance pauvre. Pour les deux hommes aussi, leur mère était une source d’inspiration.

Leur parcours a également des similarités. Charlie Chaplin est devenu une icône dans le monde du cinéma muet avec une carrière impressionnante. La carrière et la position de Michael dans le monde du spectacle lui ont valu le surnom de King Of Pop. Ils avaient tous les deux compris le pouvoir de leur art pour dénoncer des faits de société ou des injustices. Et surtout, ils ont su se créer un personnage et des attributs reconnaissables de tous : le chapeau rond et la canne pour Charlie, le fedora et le gant blanc pour Michael. La puissance de l’image !

Perfectionnistes et talentueux, les deux stars géraient et contrôlaient leur carrière en s’investissant dans différents domaines : Charlie était à la fois acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur et possédait ses propres studios de tournage (qui seront, quelques décennies plus tard le lieu d’enregistrement de We Are The World, l’hymne composée par Michael en 1985). Michael était un génie aussi bien dans le domaine du spectacle qu’en affaires.

Chacun d’eux était des autodidactes, amoureux du travail et solitaires, fervents amateurs des livres.

Si les actions humanitaires de Michael, notamment en faveur des enfants ne sont désormais plus un secret, et que son message de paix, de tolérance et d’amour universel a rythmé sa carrière (Change the World was is Message !), on se souviendra également du célèbre et magnifique discours de Chaplin dans son film Le dictateur (The Great Dictator, 1940), qui aura certainement marqué le chanteur.

Malgré leur talent, ces deux génies furent controversés, incompris et reniés par leur pays (d’adoption pour Charlie) et subirent de faussent accusations qui les poussèrent à quitter les Etats Unis. Il aura fallu attendre leur disparition pour que leurs pairs et leur pays les reconnaissent à leurs justes valeurs… Aujourd’hui, le monde entier s’inspire d’eux et ils sont entrés dans l’Histoire.

On se dit alors qu’il était presque logique que Smile, composée par Chaplin, soit chantée, soixante ans plus tard, par Michael…un lien de plus entre les deux hommes…. Comme si la relève était assurée et que finalement le King of Pop, le temps d’un photoshoot, était devenu Charlot !

Smile, though your heart is aching
Smile, even though it’s breaking
When there are clouds in the sky
you’ll get by
If you smile through your fear and sorrow
Smile and maybe tomorrow
You’ll see the sun come shining through
for you

Light up your face with gladness
Hide every trace of sadness
Although a tear may be ever so near
That’s the time you must keep on trying
Smile what’s the use of crying
You’ll find that life is still worthwhile
If you’ll just
Smile

Près de 40 ans après la disparition de Charlie Chaplin, sa propriété de Corsier-sur-Vevey, le manoir de Ban, accueillera, à partir du printemps 2016, un musée dédié à l’acteur et à son œuvre, Chaplin’s World by Grevin, The Modern Times Museum (MAJ du 13 mai: le musée Chaplin’s World est ouvert depuis le 17 avril 2016)

Espérons qu’avec autant de similitudes entre les carrières de Charlie Chaplin et de Michael Jackson, les fans de ce dernier n’aient pas à attendre aussi longtemps pour avoir un musée retraçant la vie et la carrière du King of Pop.

Sources : (1) My Autobiography (Histoire de ma vie), Charles Chaplin, 1964/ (2) Le roman de Charlot, Claude-Jean Philippe, 1987/(3) Wikipedia/(4) The Maestro, Chris Cadman, 2015/ (5) Oona Chaplin, Bertran Meyer-Stabley, 2010/annemarielatour.wordpress.com/christargento.eklablog.com/mj-cinema.blogspot.fr/vallieegirl67.com

One Comment

  • anniva

    Smile though your heart is aching ….Cette chanson était destinée à Michael, elle lui allait si bien ! Malgré toute la souffrance qu’il endurait, il ne cessait de nous offrir cet incomparable sourire ! Son interprétation est sublime et tellement touchante quand on l’entend pleurer…Je ne peux retenir mes larmes !

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