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Xscape Origins – Damien Shields

Depuis le 24 mars 2015, le livre Xscape Origins, The Songs & Stories Michael Jackson Left Behind, écrit par Damien Shields, est disponible à la vente.

Journaliste australien et grand fan de Michael Jackson, Damien Shields est reconnu depuis quelques années grâce à ses articles de qualité sur la carrière de Michael Jackson publiés sur son site.

Xscape Origins est un livre de 144 pages, en anglais, qui détaille l’histoire de chaque chanson retenue sur l’album posthume Xscape de Michael Jackson, sorti en mai 2014. Un livre peu épais, mais au fil des pages, Damien nous livre des anecdotes formidables sur le génie créatif de Michael Jackson à travers les mots de ses collaborateurs. Les compositeurs, producteurs, musiciens et ingénieurs du son qui ont participé à l’élaboration de ces titres évoquent leurs souvenirs en studio, durant le processus de création d’un des artistes les plus visionnaires de son époque.

Le but de ce livre, comme l’explique Damien Shields, est né au cours d’une discussion avec un de ses amis, au cours de laquelle ils exprimaient leur frustration sur le fait que les versions originales des titres, présentes sur l’album, « des versions sur lesquelles Michael lui-même avait passé des heures, des jours, des semaines, des mois, et dans certains cas, des années à travailler et à les perfectionner, semblaient complètement ignorées lors de la promotion de l’album », pendant que les remixes étaient largement mis en avant. Des chefs- d’œuvre oubliés en quelque sorte. Alors que les producteurs ayant remixés ces titres, dont certains n’avaient jamais travaillé avec Michael de son vivant, ont évoqué le travail effectué sur l’album, ceux qui ont réellement participé à la naissance de ces titres, avec Michael, sont, pour beaucoup, restés dans l’ombre.

Damien est donc parti à la rencontre de ces artistes pour découvrir l’histoire de ces huit titres. Matt Forger (le célèbre ingénieur du son de Michael qui signe la préface du livre), Michael Prince, John Barnes, Corey Rooney, Fred Jerkins III, Brian Vibberts, CJ deVillar, Rodney Jerkins, Brad Buxer, Dr Freeze, Brad Sundberg, Kathy Wakefield, tous ont accepté de participer à ce projet où l’on découvre l’artiste Michael Jackson au travail, auprès de qui, même les meilleurs musiciens continuaient d’apprendre, l’icône musicale, mais également l’être humain, humble et sensible, et l’humanitaire.

« Chaque chanson avait sa façon particulière d’explorer une idée, une mélodie, un groove, une histoire à raconter ou une émotion à faire passer (…) Il est important de décrire le processus et de raconter l’histoire, non seulement parce qu’il s’agit de l’Histoire, mais aussi pour rendre hommage à une personne qui aimait raconter des histoires et qui voulait que l’histoire se sache ». (Matt Forger, p. 8)

Le livre est donc divisé en huit chapitres, chacun explorant les origines des huit chansons du CD Xscape, que l’on ne peut s’empêcher de réécouter au cours de la lecture. En voici un résumé avec quelques passages et citations.

1- Love Never Felt So Good

Ecrite en 1980, en collaboration avec Paul Anka, lors d’une session d’enregistrement de deux semaines dans son studio de Carmel où d’autres titres ont vu le jour (notamment I Never Heard, sorti sous le titre This Is It et un inédit It Don’t Matter To Me), Love Never Felt So Good est toujours restée à l’état de démo et n’a jamais été retravaillée depuis 1980.

« Michael et moi avons commencé à s’occuper des titres sur lesquels nous travaillions. J’étais très impressionné par son processus de composition. Il savait comment créer une chanson, non seulement parce qu’il avait une qualité vocale incroyable mais parce qu’il avait une capacité à chanter une note jouée au piano pour lui ». (p. 15)

« Michael a apporté beaucoup au titre de base avec tout ce qu’il a fait, ce sentiment de passion, de chaleur et de crédibilité qu’il a donné. Je suis là depuis longtemps, j’ai travaillé avec Tom Jones, Frank Sinatra, Elvis Presley et sur bien d’autres chansons, mais ‘Love Never Felt So Good’ a une place très très spéciale à cause de son histoire et parce que c’est Michael ». (p. 20)

2- She was Loving Me a.k.a. Chicago 

En 1999, alors qu’il est occupé à travailler sur son future album Invincible, au Marvin’s Room (anciennement les Marvin Gaye Studios) à Los Angeles, Michael invite les dirigeants de Sony Music à découvrir un des titres, ‘Break of Dawn’. Cory Rooney, à cette époque Vice Président Senior de Sony, est présent. Tommy Mottola propose à Cory d’écrire un titre pour l’album de Michael. Sur les conseils de Carol Bayer Sager (“Michael adore raconter des histories”), Cory écrit l’histoire de Michael rencontrant une femme qu’il pense lui être dévouée avant de s’apercevoir qu’elle mène une double vie, avec un mari et des enfants.

Michael entend la démo du titre un vendredi et l’aime tellement qu’il est aux studios Hit Factory de New York le lundi suivant pour commencer l’enregistrement, sans rien changer : « J’étais sidéré » se souvient Rooney. « C’était génial. Qu’un mec comme lui accepte et adore ma chanson sans rien changer, c’était presque irréel. J’étais très ému ». (p. 27)

Michael arrive en studios avec Seth Riggs, son coach vocal et demande la permission d’enregistrer les différentes parties sur deux jours: “Il était très poli. Il me demandait : si tu es d’accord j’aimerais chanter les couplets aujourd’hui car j’ai chauffé ma voix pour cette partie basse. J’aimerais chanter les parties hautes, le refrain, demain (…) j’échaufferai ma voix pour cela plus particulièrement. Je me disait que c’était étonnant qu’il me demande si c’était ok, et qu’il me demande la permission de faire ça, c’est quand même Michael Jackson ». (p. 27, 28)

Rooney explique qu’ils « ont même utilisé certains des échauffements vocaux avec Seth Riggs qu’il [Rooney] avait enregistrés. Nous les avons utilisés comme add-libs au milieu de la chanson parce qu’ils étaient vraiment étonnants. Il [Michael] en était ravi » (p 31)

Alors que l’enregistrement n’a duré que peu de temps, Michael et Cory Rooney passent près d’un mois en studio, à travailler, à plaisanter, à rire et à parler : « Je sentais qu’il avait besoin de s’amuser et d’avoir un ami plutôt que quelqu’un qui le poussait à faire des chansons » (p. 33)

Michael rentre à Los Angeles et travaille sur Speechless et Rooney sent bien que She Was Loving Me n’était pas tout à fait le titre que Michael attendait.

Sa collaboration avec Rodney Jerkins va lui apporter ce qu’il espère, une relation que Rooney aidera à finaliser. Les relations entre Michael et Tommy Mottola sont ensuite devenues très sensibles, Mottola éloignant même Rooney de Michael.

Bien que les deux hommes se soient parlé environ huit mois avant la disparition de Michael, ce dernier n’a jamais entendu la version finalisée de She Was Loving Me, qui sera retravaillée pour l’album avec Taryll Jackson, le neveu de Michael.

Rooney se souvient que Michael se demandait pourquoi il avait choisi la ville de Chicago pour situer l’histoire de la chanson :

« Pourquoi as-tu choisi Chicago », lui a-t-il demandé lors d’une des sessions durant le mois d’avril 1999.
« Parce que cela sonne mieux que n’importe qu’elle autre ville », a répondu Rooney. « Je vais te le prouver. Essaye de la chanter en mettant une autre ville que Chicago. Ca n’ira pas ». 
Et Michael a essayé de chanter “I met her on the way to Chicago” en remplaçant Chicago par une autre ville. “I met her on the way to San Francisco… I met her on the way to New York… I met her on the way to Los Angeles”
“Tu vois, je te l’avais dit” lui a dit Rooney en rigolant, “Chicago est la seule ville qui marche ».
« Mais la chanson ne s’est jamais appelée Chicago. Jamais. Elle s’est toujours appelée ‘She Was Loving Me’ » (p.39)

3- Loving You

Michael écrit la démo de cette ballade au milieu des années 80 et l’enregistre au Red Wing Studio, un petit studio intimiste de la Vallée de San Fernando où il lui arrivait parfois de « développer des idées avant de les soumettre à Quincy Jones » déclare Matt Forger qui a travaillé sur le titre. Michael a également demandé l’aide de John Barnes qui a joué des instruments et créé des sons.

« Il était toujours à la recherche de nouveaux sons, et c’était un processus sans fin pour Michael, non seulement pour l’écriture et la création non stop de la musique mais également dans la manière unique, différente et spéciale de la créer » explique Matt Forger (p. 43)

A propos de Loving You, Forger se souvient que « c’était une bonne chanson mais qui n’a jamais été sérieusement considérée durant les sessions d’enregistrement de Bad. Comme ‘Free’, ‘I’m So Blue’, ‘What You Do To Me’, elle a été enregistrée mise de côté mais jamais retravaillée » (p. 46)

« C’est une belle chanson de Michael Jackson », explique Barnes, « elle ressemble en fait à une chanson que Michael aurait pu écrire pour Disney, une belle petite mélodie, mais elle n’a pas un niveau de grandeur que Michael donnait à sa musique. Ce n’était pas excellent. Il y a tant de chanson comme celle-ci dans les coffres » (p. 46)

4- A Place with No Name

Après son HIStory Tour, Michael Jackson rencontre par l’intermédiaire de son manager John McClain, le compositeur et producteur Dr Freeze qui lui propose trois titres : Break of Dawn, A Place With No Name et Blue Gangsta. Michael les adore et les chansons deviennent sa priorité. Bien qu’artiste confirmé, Dr Freeze raconte comment il a été intimidé par Michael :

« C’était assez effrayant pour moi. C’est comme si je me retrouvais à l’école primaire, et que je ne savais plus rien à propos de la production. Avec Michael, j’ai tout réappris. Les autres producteurs et moi-même étions comme des étudiants face à un professeur. Avec Michael, c’est comme si nous ne connaissions plus rien du business. On devait tout recommencer, tout réapprendre. Il nous a appris à donner le meilleur. Michael était un perfectionniste… J’étais très nerveux, très nerveux, mais très honoré. Il connaissait tout de l’industrie de la musique, tout sur tout. Rien ne lui était inconnu, et il m’a beaucoup appris » (p. 49, 50)

« La chanson est inspiré de ‘A Horse With No Name’ du groupe America (à lire ici). Les paroles sont très profondes, j’ai voulu les rafraîchir et en faire une version pour les années 2000 »

 » A Place With No Name est une sorte de fuite. Une chanson où vous pouvez fermer les yeux et vous retrouver instantanément transporté dans un monde merveilleux (….) où les gens sont différents mais heureux. Cette chanson c’est comme une fuite de la vie de tous les jours ».

Le titre est travaillé pour la première fois au Record Plant Recording Studios de Los Angeles en août 1998. CJ deVillar, qui assistait Dr Freeze, et bassiste accompli, est présent.

DeVillar souhaitait ajouter une partie live à la basse sur le morceau, qu’il jouerait lui-même, mais sans que Michael le sache. Il avait le rôle ingénieur du son sur ce morceau pas de bassiste. Il a donc attendu un jour où il pensait que Michael était parti du studio. Malheureusement Michael est revenu et alors même qu’il pensait se faire renvoyer, il s’est aperçu que Michael aimait ce qu’il entendait et l’a même encouragé à continuer.

« J’avais Michael en face de moi et il a poussé les enceintes jusqu’à « fort « . J’entendais sa voix, il dansait. J’étais en total immersion Michael Jackson. C’était comme si on m’avait changé, cela ressemblait à une bénédiction musicale, son aura et sa puissance ont envahit mon espace. Et la ligne de basse a été créée. Cela ne serait jamais arrivé s’il n’avait pas été là, parce qu’il était juste en face de moi. Il dansait, il faisait des grimaces, il m’encourageait, il faisait semblant de jouer de la guitare. Il me donnait des assertions pendant que je jouais et je les absorbais comme s’il était un fan dans le public. C’était comme un concert et il me produisait en live sur scène. (…) Son enthousiasme m’inspirait, c’était hypnotique et Freeze voulait que le morceau soit hypnotique » (p. 54)

Michael enregistre les sessions vocales en septembre 1998. « Quand il arrivait en studio pour enregistrer, il se mettait devant le micro et mettait le feu à la chanson. Quand il partait, le studio était en cendres et nos mâchoires par terre. C’était vraiment impressionnant à voir » , se souvient Dr Freeze. « Il chantait si bien », accorde DeVillar. « Quand il était dans la cabine, de la magie en sortait. Je devais retenir mes émotions parce que je suis plus un musicien qu’un ingénieur du son. Quand Michael chantait, il atteignait de telles notes que j’aurais pu grimper sur mon siège (…) ».  (p. 56)

Jusqu’en 2004, la chanson est améliorée : « Il l’a améliorée graduellement », explique Freeze, « c’était un travail incrémental. Il écoutait les différents mixes et changeait un détail ça et là. Il en avait le contrôle total. Il voulait que la chanson soit parfaite (…) C’est le genre de processus utilisé pour ce titre et pour tout l’album Invincible. Tout ce qui l’intéressait c’était d’avoir des titres qui seraient numéro un ».

Le titre est revu en 2008, environ un an avant la disparition de Michael et c’est cette version, travaillée dans sa maison de Palomino Lane à Las Vegas, avec quelques différences avec celle 2004, qui se trouve sur le CD Xscape. Mais Michael n’a jamais touché à la ligne de basse enregistrée par CJ deVillar.

5- Slave To The Rhythm

Michael rencontre pour la première fois L.A. Reid et Babyface en 1990 lorsque Michael se voit remettre le BMI Award. Il les invite à Neverland et parlent des goûts musicaux de Michael qui leur avoue être un grand fan de la musique de sa sœur, Janet et d’autres titres produits par Jimmy Jam et Terry Lewis.

« Je suis un esclave de la musique » explique Michael. « Je suis une palette, je fais avec le moment. Vous devez faire ainsi parce que si vous pensez, vous êtes mort. Se produire ce n’est pas penser, c’est sentir la chose ».

Suite à leur rencontre, Reid et Babyface sélectionnent du matériel pour Michael qui repère une démo faite uniquement de batterie et de basse. « Finissez-là » leur demande-t-il.

La session vocale a été enregistrée aux studios Larrabee, avec Bruce Swedien. « Il a enregistré la chanson vingt-quatre fois », se souvient Reid (….) « Il a chanté la chanson entière, du début à la fin, vingt-quatre fois, sans faire une pause (…) A chaque prise, il s’améliorait ».

Le titre ne sera finalement pas sur l’album Dangerous. Michael la reprend au tout début des sessions d’enregistrement d’HIStory et d’Invincible mais sans jamais la considérer sérieusement.

Babyface continuera à travailler avec Michael. En 1996, il lui écrit On The Line et participe également à l’écriture de You Are My Life.

6- Do You Know Where Your Children Are

Comme à son habitude lorsqu’il enregistre un album, Michael enregistre de nombreuses chansons. Cette démo est un des titres enregistrés durant les sessions de l’album Bad, et travaillé avec John Barnes, Bill Bottrell et Matt Forger.

Selon les personnes qui travaillaient avec Michael à la fin des années 70/début des années 80, celui-ci avait comme projet de réaliser un album évoquant des problèmes mondiaux allant de la famine et les questions politiques aux abus sexuels des enfants. Un certains nombres de titres ont été produits à cette époque là, dont Little Susie (qui paraîtra sur l’album HIStory) ou Be Not Always (sorti sur l’album Victory des Jackson) et Do You Know Where Your Children Are aurait certainement eu sa place sur un tel projet.

La chanson, dont le titre est inspiré d’une publicité télévisée (« Il est vingt-deux heures, Savez-vous où sont vos enfants »), est selon une note laissée par Michael, l’histoire « d’enfants qui grandissent dans une famille détruite où le père rentre soûl le soir, la mère se prostitue et où les enfants s’enfuient de la maison. (….) C’est un problème récurrent en Amérique. Ils deviennent les victimes de la prostitution, vendent leur corps » (p 73, 74).

Michael a, depuis toujours, été très sensible aux souffrances des autres et il a, à cette époque là, écrit beaucoup de chansons traitant de ce genre de sujet (Abortion Papers, Throwing Your Life Away, Crack Kills). Matt Forger explique que ces « sujets étaient évoqués dans les médias tout le temps mais Michael essayait de d’apporter à ces problèmes une conscience sociale sous une forme différente, avec la musique, faisant ainsi passer un message avec une mélodie et une accroche. Parfois quand vous approchez les gens de cette façon, le message est plus percutant, un peu comme Michael l’avait fait avec ‘We Are The World’. Il y a eu une énorme prise de conscience sur ce sujet qui avait besoin d’être adressée à l’échelle mondiale, et c’est quelque chose que Michael évoquait tout le temps. Au fond de son cœur, il sentait qu’il devait faire quelque chose ». (p. 75)

Michael est témoin de scènes de rues, au retour de séances tardives en studios, qui l’affectent particulièrement. Il retransmet toute son émotion dans ses chansons : « Michael était tellement efficace quand il s’agissait de communiquer une émotion. Parfois, nous étions tellement pris par l’émotion lorsqu’on entendait une performance vocale de Michael. Il y a tant de fois où lorsqu’il chantait, cela vous prenait aux tripes et que les larmes montaient ». (p 81)

Matt Forger et Bill Bottrell, avec sa « sensibilité rock », travaillent en tant qu’ingénieurs du son sur le titre et sont chargés de décrypter ce que Michael souhaite. « C’était mon objectif de comprendre ce qui était dans la tête de Michael, comment il créait les chansons et essayer d’extraire cette créativité en restant fidèle à ce qu’il pensait, en capturant son essence » explique Forger (p 77).

La clé était, selon Michael, de laisser la musique s’écrire tout seule : « Une chanson se créé seule. J’en suis juste la source à travers laquelle elle jaillit. Quand une chanson arrive à moi, j’entends les cordes, j’entends la basse, j’entends la batterie, tout arrive comme un package. C’est comme attraper une feuille qui tombe d’un arbre. C’est une des plus belles choses et une des plus spirituelles qui puisse arriver ». (p. 78)

Finalement, Do You Know Where Your Children Are ne sera pas utilisée pour l’album Bad, ni pour Dangerous, pour lequel il l’avait tout de même ressortie, ni pour HIStory où il a été demandé à Brian Vibberts d’apporter quelques changements mineurs sur la batterie.

7- Blue Gangsta

Ecrite par Dr Freeze et enregistrée durant les premières sessions d’Invincible à Los Angeles en 1998, Blue Gangsta fait partie des titres proposés à cette époque par le producteur. Freeze connaît l’intérêt de Michael pour les chansons évoquant des gangster (Al Capone qui est ensuite devenu Smooth Criminal, Chicago 1945, écrite sous l’ère Victory) et lorsqu’il lui présente Blue Gangsta, il a l’objectif de produire un nouveau Smooth Criminal, mais avec « quelque chose de plus moderne et plus ancré dans les années 2000 ».

Freeze produit la démo originale en composant le titre entier, avec les chœurs, ses propres synthés et cuivres avant de l’envoyer à Michael. Lorsqu’il a eu approuvé la démo, Michael a demandé à certains des musiciens et techniciens qui avaient travaillé sur ses précédents albums ou titres de l’accompagner : Greg Phillinganes, Jerry Hey, Eric Anest et Brad Buxer, Humberto Gatico, CJ deVillar.

« Apparemment Michael adorait ‘Blue Gangsta’ parce que y faire participer de tels noms est très cher » déclare Michael Prince qui a longtemps travaillé en studio avec Michael, Brad Buxer et Dr Freeze.

« Michael était le plus grand perfectionniste au monde » indique Buxer, « non seulement avec la musique, mais aussi concernant le son, son volume, comment il vous atteint, le résultat à l’oreille, la fréquence, et des tas d’autres choses. On ne parle plus seulement de chansons ou de mixages, on parle d’arrangement, d’amplitude et d’instruments sélectionnés pour la production ». (p. 93)

Selon DeVillar, Michael était, durant ces sessions d’enregistrement, à son apogée vocale : « Michael avait 40 ans lorsqu’il a enregistré ‘Blue Gangsta’. Son attitude mentale combinée à sa physicalité était au plus haut selon moi. Il y avait en lui une telle rythmique, les graves et les aigus, la force et le calme, et la manière dont il travaillait avec le micro, j’ai tellement appris de Michael (…) quand j’étais dans ce siège, j’avais l’impression qu’on m’enseignait. J’apprenais en l’enregistrant. La responsabilité était énorme pour moi. (…) A l’époque où il enregistrait ‘Blue Gangsta’, on voyait un génie ayant passé trente ans à modeler sa voix pour s’adapter à l’enregistrement. Il y a de la jeunesse et de la puissance dans sa voix mais aussi de l’élégance (…) et elles étaient au plus haut point lorsque nous enregistrions. L’élégance, l’expérience et la puissance se mariaient tellement bien, c’était incroyable. Je n’en revenais pas ». (p 94- 95).

Comme souvent Michael a pris une copie du titre chez lui, à Neverland, pour essayer de l’améliorer, changer quelques détails. « Quand il revenait en studio, il écoutait attentivement [les propositions] mais au final, la décision lui revenait toujours. Il était le boss. Il était ouvert à toutes critiques ou suggestions qui pouvaient être bénéfiques à la chanson » (p 97).

Le titre est retravaillé en mars 1997 puis fuite en 2006 dans deux titres du rapper Tempamental, intitulés Gangsta et No Friend of Mine. Une autre version fuite également en 2010, la dernière travaillée par Michael de son vivant. Ce sera finalement une des premières versions, une version sans les changements souhaités par Michael, qui sera présente sur l’album Xscape en 2014.

« Il était simplement la personne la plus merveilleuse avec qui on peut rêver de travailler » déclare Freeze. « Il était très humble et créatif. Du lever au coucher du soleil, il créait des sons, des mélodies, des harmonies. Il pouvait tout faire par lui-même. Michael était vraiment un instrument vivant » (p 101)

8- Xscape a.k.a. Escape

L’histoire du titre Xscape tient pour beaucoup dans la relation entre Michael Jackson et Rodney Jerkins, Fred Jerkins III et LaShawn Daniels, les co-auteurs du titre, qui commence au début de l’année 1999. Rodney Jerkins rencontre Michael par l’intermédiaire de Carol Bayer Sager et la relation est appuyée par Cory Rooney, alors même que Michael ne semble pas prêt à travailler avec lui. Michael propose cependant à Jerkins de créer de nouveaux sons, quel qu’ils soient.

« Il a changé toute ma perception de ce qu’est la créativité dans une chanson » explique Jerkins. « Je pensais que faire une chanson c’était juste s’assoir à un piano et écrire un texte et des mélodies. Je n’oublierai jamais cette histoire dingue. Michael m’a appelé et m’a dit : Pourquoi ne pas créer de nouveaux sons ? Je lui ai répondu : Que veux-tu dire ? Il m’a dit : Quelqu’un a bien créé la batterie non ? Quelqu’un a bien créé le piano ? Pourquoi n’inventerions-nous pas le prochain instrument ? C’était un mec de quarante ans, qui avait pratiquement tout fait mais qui avait toujours l’envie et qui disait « je veux créer un instrument ». C’était fou. (…) Michael m’a dit : « Sors, va sur le terrain et créé des sons, ne fais pas comme tout le monde (…). Et je suis sorti, je suis allé sur le terrain et j’ai inventé des sons ». (p. 107)

Jerkins et son équipe commencent à travailler au Record One Studios (Ocean Way), et suivent le conseil donné par Rooney, qu’il avait lui-même reçu de Carol Bayer Sager : « Michael aime raconter une histoire dans sa musique ». You Rock My World voit le jour. Et Michael remet l’équipe, qui travaille désormais dans le New Jersey pendant qu’il est à Los Angeles, au challenge et leur demande de ne travailler qu’avec lui.

Une des chansons produites durant ces sessions de 1999 est donc Xscape, à l’origine écrite Escape. La première démo est présentée à Michael lors d’un coup de téléphone entre lui et Rodney Jerkins. Quand Michael l’entend, il devient fou et comme il l’avait fait quelques mois plus tôt avec She Was Loving Me, il veut l’enregistrer tout de suite. Mais au lieu de traverser le pays, Michael la chante au téléphone grâce à un nouvel appareil qui permet aux ingénieurs du son de capturer un audio en grande qualité. Michael e t Rodney se reverront quelque temps plus tard à Los Angeles pour enregistrer le lead vocal.

Durant deux ans, les deux hommes continuent de travailler le titre, ajoutant de nouveaux sons, échangeant des idées par téléphone mais finalement Michael n’a pas été autant présent en studio qu’il a pu l’être pour d’autres sessions, comme celle d’HIStory, selon Brian Vibberts.

« Quand nous travaillions sur Xscape, Michael disait : « Approfondis ! Il nous faut le son qui fait qu’on voudra l’entendre encore et encore ».

Michael a voulu ajouter à Xscape une célèbre référence au film Little Caesar de 1931 (un film de gangster, comme il les aimait) en écourtant une des répliques, qu’il avait déjà samplée dans une version inédite d’ Al Capone (« You want me ? You’re going to have to come and get me » à 2:38, dans cet extrait du film) qui est devenue « Want me ? Come and get me! » (à 5:02 dans la chanson)

Durant la deuxième phase de travail sur l’album Invincible, entre 2000 et 2001, Michael et Jerkins continuent de travailler sur Xscape. Jerkins se souvient que Michael lui a dit : « Attends que le monde entende Xscape ».

« Michael adorait tout de cette chanson. L’énergie, les paroles. C’est comme une chanson prophétique. Ecoutez le bridge, MJ dit : « Quand je m’en irai, ce problème mondial ne tracassera plus ». C’est puissant » explique Jerkins.

« Le truc à propos de Michael est qu’il pouvait travailler sur une chanson pendant des années. Il n’a jamais arrêté de travailler sur Xscape ». (p. 121)

Les deux hommes ont continué à travailler sur le titre même après la sortie de l’album Invincible sur lequel, à la surprise de ceux qui avaient participé au projet, il n’a finalement pas été inclus.

« Quand nous avons fait Xscape, Mike sentait que c’était une de ses meilleurs nouvelles musiques » se souvient Jerkins. « Alors quand je lui ai demandé pourquoi Xscape n’ était pas sur Invincible, il m’a dit : « Non je ne la veux pas sur ce projet, je la veux pour mon prochain projet ». Michael était très clair en me disant qu’un jour la chanson devait sortir » (p. 123).

Finalement le titre fuitera en 2002, à la grande déception de Michael.

Ce que Rodney Jerkins retient de son expérience avec Michael, c’est son désir d’être le meilleur. « Michael incarnait la grandeur dans tout ce qu’il faisait. Non seulement en tant qu’artiste, mais en tant qu’humanitaire, que personne. C’était ainsi. Il voulait être le meilleur et il le prônait tout le temps ». (p. 124)

« Michael ne voyait rien d’autre qu’être le plus grand », déclare aussi LaShawn Daniels. « Dans tout ce que tu fais, tu dois être le meilleur ; c’est une des leçons les plus importantes qu’il nous a apprise…et c’est une leçon d’humilité que de faire partie de cet héritage ».

 Merci Damien Shields pour ces anecdotes et les nombreuses autres présentes dans ce livre, témoignages, comme on en voudrait plus souvent, de l’immense talent et la belle personnalité de Michael Jackson.

Disponible à la vente sur le site du livre ou sur amazon

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