That One In The Mirror – Dancing The Dream, 1992
Celui qui est dans le miroir
Je voulais changer le monde, aussi je me suis réveillé un matin et j’ai regardé celui qui était dans le miroir. Celui qui me renvoyait mon regard me dit « Il n’y a pas de temps à perdre ». La terre se délabre dans la douleur. Les enfants meurent de faim. Les nations demeurent divisées par la méfiance et la haine. Partout l’air et l’eau ont été souillés presque au delà de tout espoir. Fais quelque chose!
Celui qui était dans le miroir se sentait en colère et désespéré. Tout ressemblait à un gâchis, une tragédie, un désastre. J’ai décidé qu’il devait avoir raison. Ne me sentais-je pas terrifié par ces choses, moi aussi, comme lui? La planète était en train de s’éroder et de s’éparpiller. Imaginer la vie terrestre de la prochaine génération me fit paniquer.
Il n’était pas difficile de trouver les bonnes personnes qui voulaient résoudre les problèmes de la terre. Tandis que j’écoutais leurs solutions, je pensais « Il y a tant de bonne volonté ici, tant de personnes concernées ». Un soir avant d’aller me coucher, celui qui était dans le miroir regarda vers moi sérieusement. « Maintenant nous aboutirons à quelque chose » déclara-t-il. « Si tout le monde y met du sien. »
Mais tout le monde n’avait pas fait sa part. Certains l’avaient fait, mais avaient-ils pour autant inversé la tendance? La douleur, la faim, la haine et la pollution étaient-ils sur le point d’être résolus ? Le seul fait de le souhaiter ne rendrait pas ces choses possibles – Je le savais. Quand je me réveillai le lendemain matin, celui qui était dans le miroir semblait confus. « Peut-être est-ce sans espoir », soupira-t-il. Puis un éclair de malice passa dans ses yeux et il haussa les épaules. « Mais toi et moi survivrons. Enfin, nous ferons ce qu’il faut pour ça ».
J’eus une bizarre impression quand il dit ça. Il y avait quelque chose qui clochait. J’eus un vague soupçon, quelque chose qui ne m’avait jamais paru si clair auparavant. Qu’en serait-il si celui dans le miroir n’était pas moi? Il se sentit séparé. Il voit les problèmes « extérieurs » à résoudre. Peut-être le seront-ils, peut-être ne le seront-ils pas. Il se débrouillera. Mais je ne le ressentais pas ainsi – ces problèmes n’étaient pas si « extérieurs » que ça. Je les sentais en moi. Un enfant qui pleure en Ethiopie. Une mouette qui lutte pathétiquement dans une flaque de pétrole, un gorille des montagnes chassé sans pitié, un soldat adolescent tremblant de terreur quand il entend les avions voler au-dessus de sa tête. Ces choses ne se passent-elles pas en moi quand je les vois ou que j’en entends parler?
La fois suivante, j’ai regardé dans le miroir, celui qui me renvoyait mon regard commençait à s’estomper. Ce n’était qu’une image après tout. Elle me montra une personne solitaire enfermée dans un adroit assemblage de chair et d’os. « As-tu pensé une seule fois que tu étais moi? », commençai-je à me demander. Je ne suis pas si séparé et craintif. La douleur de la vie me touche, mais la joie de la vie est tellement plus forte. Et elle seule guérira tout. La vie est le remède de la vie, et le plus que je puisse faire pour la terre c’est d’être un enfant aimant. Celui qui était dans le miroir se contracta en se tortillant. Il n’avait pas autant pensé à l’amour. Voir « les problèmes » était plus simple, parce que l’amour signifie une complète honnêteté envers soi-même Ouch!
« Oh, ami » lui soupirai-je « Penses-tu que n’importe quoi peut résoudre les problèmes sans amour? ». Celui qui était dans le miroir n’était pas très sûr. Etre seul pendant si longtemps, ne pas faire confiance aux autres et ne pas inspirer leur confiance, cela finissait par le détacher de la réalité de la vie. « Est-ce que l’amour est plus vrai que la douleur? » Demanda-t-il ?
« Je ne peux te le promettre. Mais ça se pourrait. Découvrons-le », dis-je. Je touchai le miroir avec un large sourire. « Ne soyons plus seuls à nouveau. Voudras-tu être mon partenaire ? J’entends une danse qui commence. Viens ». Celui qui était dans le miroir sourit timidement. Il était en train de réaliser que nous pourrions être de meilleurs amis. Nous pourrions être plus en paix, plus aimants, plus honnêtes les uns envers les autres chaque jour.
Cela changera-t-il le monde? Je pense que oui, parce que Mère Terre veut que nous soyons heureux et que nous l’aimions à mesure que nous tendons vers ses besoins. Elle a besoin de personnes sans craintes sur sa surface. Des personnes dont le courage vient du fait d’être une part d’elle-même, comme un bébé qui est suffisamment brave pour marcher parce que sa mère tend ses mains pour l’attraper. Quand celui qui était dans le miroir sera rempli d’amour pour moi et pour lui il n’y aura plus de place pour la peur. Quand nous étions effrayés et paniqués, nous avions arrêté d’aimer les nôtres ainsi que la Terre. Nous étions déconnectés. Comment quelqu’un peut-il encore se précipiter pour aider la terre s’il se sent déconnecté? Peut-être que la Terre nous dit ce qu’elle veut, et que sans l’écouter, nous retombons sur nos propres peurs et paniques.
Une chose que je sais: Je ne me sens jamais seul quand je suis un enfant de la Terre. Je n’ai pas à m’accrocher à ma survie personnelle tant que je réalise, chaque jour, toute cette vie qui est en moi. Les enfants et leur douleur; les enfants et leur joie. L’océan qui enfle sous le soleil; l’océan qui suinte d’huile noire. Les animaux chassés dans la peur; les animaux qui explosent de la pure joie d’être en vie.
Ce sens du « monde en moi » c’est ainsi que je veux toujours le ressentir. Celui qui est dans le miroir doute parfois. Aussi je suis tendre envers lui. Chaque matin je touche le miroir et je soupire, « Oh, ami, j’entends une danse. Veux –tu être mon partenaire ? Viens ».